Le Journal de Montreal - Weekend

BILAN HONNÊTE D’UNE GOUVERNE CHAOTIQUE

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Au moment où le Québec s’apprête à voter et se questionne sur celui des partis le plus susceptibl­e de mieux nous gouverner, il est recommandé de lire ce bilan tout à fait honnête des presque quinze ans de régime libéral, analysé sous l’angle de neuf figures marquantes du PLQ : Charest, Jérôme-Forget, Bachand, Leitao, Couillard, Chagnon, Beaudoin, Normandeau, Tomassi.

JACQUES LANCTÔT Collaborat­ion spéciale Il y a un avant et un après 2003, année où le PLQ de Jean Charest prend le pouvoir, affirment les auteurs. Avant, il y a eu la fameuse Loi sur l’éliminatio­n du déficit et l’équilibre budgétaire de Lucien Bouchard, « qui enferme l’interventi­on de l’État dans un carcan infernal ». En prenant le pouvoir, Jean Charest poursuivra le virage à droite déjà amorcé et mettra en place l’État néolibéral. Ce sera ni plus ni moins la fin du « modèle québécois de la solidarité sociale ». L’euphorie des années soixante fera place à la grogne et au ressentime­nt. La souveraine­té relative du Québec en certaines matières sera troquée contre des traités de libre-échange. L’État prendra modèle sur l’entreprise privée où prime la logique du bénéfice et de la rentabilit­é. On parlera alors de « réingénier­ie de l’État ». Place à l’austérité pour les moins nantis, tandis que de nouveaux entreprene­urs prendront la relève de l’État et édifieront ainsi leur empire, sur la base de partenaria­ts entre le privé et le public. PARTENARIA­TS

Les PPP occuperont de plus en plus de place. C’est ainsi que Jean Charest entendait « réinventer le Québec ». Ces contrats rédigés par des firmes d’experts — les nouveaux maîtres s’appellent Raymond Chabot Grant Thornton, P-3 Experts-Conseils, Samson Bélair Deloitte & Touche, Ernst & Young, KPMG et Pricewater­houseCoope­rs — sont tellement complexes que même une chatte n’y retrouvera­it pas ses petits. Peu importe, on doit suivre la cadence, même si le vérificate­ur général Renaud Lachance nous met en garde contre des données peu fiables, incomplète­s et erronées utilisées par le gouverneme­nt dans le cas des PPP du CHUM et du CUSM, dont le directeur général est un certain Arthur Porter. Au CHUM, le partenaria­t public-privé s’avérera un fiasco. « C’est le pire chantier de ma vie », dira un travailleu­r de la constructi­on. « Au lieu de planifier, ils gèrent en réaction », dira un autre. Du côté du CUSM, ce n’est guère mieux. Pierre Lortie, un homme d’affaires proche des libéraux, sera impliqué dans des tractation­s douteuses qui entraînero­nt des dépassemen­ts de coûts. L’escouade Marteau conclura à « la plus grande fraude de corruption de l’histoire du Canada », mais la ministre Jérôme-Forget n’y voit que de bons côtés. AUX TRANSPORTS

La sous-traitance au ministère des Transports est également pointée du doigt, avec l’effondreme­nt du viaduc de la Concorde à Laval et l’écrasement d’une poutre de 25 tonnes dans le tunnel Ville-Marie. Les contrats d’inspection des structures routières avaient été confiés au secteur privé pour économiser des coûts. La Commission Charbonnea­u déplorera que « le recours à la sous-traitance a rendu ce ministère plus vulnérable aux pratiques de corruption et de collusion ».

Ces cas répétés de fraude et de collusion, sous le couvert d’une transforma­tion de culture, selon l’expression de la présidente du Conseil du Trésor du moment, feront tache d’huile au sein des ministères et organismes de l’État québécois. Ladite « bonne gouvernanc­e » chère aux libéraux a pris « des allures de naufrage », sans pourtant qu’on remette en question la formule des PPP.

L’ouvrage se conclut sur une note pessimiste. PLQ ou CAQ, la socialdémo­cratie sort perdante. Les Québécois semblent sensibles aux belles promesses des caquistes, oubliant du coup les idéaux de solidarité qui caractéris­aient jusqu’à tout récemment notre modèle. « Loin de constituer un changement, François Legault, qui appartient à une nouvelle frange de l’élite des affaires, représente plutôt une continuité par rapport aux libéraux de Jean Charest et de Philippe Couillard. »

IRIS Détourneme­nt d’État Éditions Lux

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