Le Journal de Montreal - Weekend
ALEGRÍA REVISITÉ
Le Cirque du Soleil a présenté plus d’une trentaine de créations depuis ses débuts, en 1984. Du lot, un spectacle se démarque grandement : Alegría. Pour souligner le 25e anniversaire de cette production mythique, l’an prochain, la compagnie a décidé de ré
Daniel Ross était régisseur sur
Alegría, en 2000. Au fil des années, il a gravi les échelons au sein du Cirque du Soleil. Près de 20 ans plus tard, c’est lui qui est responsable de la direction de création de cette nouvelle mouture du célèbre spectacle.
« La proposition était de prendre le spectacle Alegría, qu’on connaît tous, et d’en faire une espèce de relecture, dit-il. Au Cirque du Soleil, on n’a jamais fait ça. Pourtant, ça se voit souvent au théâtre, quand on reprend un Shakespeare, par exemple. On s’est dit qu’on pourrait faire quelque chose de similaire avec l’un de nos spectacles qui ont vraiment touché le coeur des gens. »
Pour mettre en scène cette nouvelle version, le Cirque a fait appel à JeanGuy Legault, qui a monté les quatre spectacles-hommages du Cirque du Soleil à Trois-Rivières (Beau Dommage, Robert Charlebois, Luc Plamondon, Les Colocs). « La première chose que j’ai faite, c’était de dire que je ne suis pas Franco Dragone [le metteur en scène d’Alegría], ni Guy Laliberté [fondateur du Cirque] ou Gilles Ste-Croix [directeur de création], dit Jean-Guy Legault. C’est impossible pour moi de recréer ce spectacle-là “à la manière de”. Je ne voulais pas non plus capitaliser sur l’héritage du
show. » PROPOS ACTUEL
Au cours de leurs premières réunions de création, les nouveaux concepteurs ont épluché des notes et procès-verbaux de la création du premier Alegría. « C’est très intéressant de voir d’où ils sont partis à cette époque-là, dit Jean-Guy Legault. Ce qu’on a remarqué, c’est que le propos du spectacle est très actuel. On parle d’un royaume où le roi a disparu. On assiste à une quête de pouvoir. Il y a le fou du roi qui essaie de prendre le contrôle. C’est ce qui se passe un peu partout à travers la planète en ce moment. »
Même si la plupart des membres de l’équipe actuelle d’Alegría n’étaient pas du spectacle original, on retrouve tout de même quelques collaborateurs de l’époque. « Dominique Lemieux est encore la conceptrice de costumes, indique Daniel Ross. Émilie Therrien, qui était une artiste dans Alegría, est maintenant conceptrice de contenu acrobatique. » PRÉTENTION ET HUMILITÉ
Deux artistes du spectacle original – un artiste de feu et un de hula hoop – sont aussi de retour. Et le compositeur de la musique d’Alegría, René Dupéré, collaborera avec le directeur musical Jean-Phi Goncalves (voir
autre texte). « D’un côté, on a amené du nouveau sang, dit Daniel Ross. Mais de l’autre, on voulait aussi garder un fil d’attache avec le premier spectacle. »
Jean-Guy Legault reconnaît que le défi est élevé de retoucher un classique sans le dénaturer. « C’est un beau danger. Depuis 1994, les gens ont vu plein d’autres spectacles de cirque. Ils ont plein de références. Recréer le même rapport au public en remettant le même spectacle qu’à l’époque, ç’aurait été une erreur monumentale pour moi. [...] Il faut avoir la prétention d’être capable de réinventer quelque chose. Et il faut aussi avoir l’humilité de dire qu’on n’est pas parti de zéro. On n’a pas inventé Alegría. Mais on est capable de le réinventer. »