Le Journal de Montreal - Weekend
UN ROMAN AUSSI DRÔLE QUE BRILLANT
En racontant l’histoire d’une famille de Français expatriée aux États-Unis, l’écrivaine française Agnès Desarthe a réussi à nous rappeler les meilleurs romans de David Lodge.
En plus d’écrire des romans régulièrement primés, l’écrivaine française Agnès Desarthe traduit également des livres de l’anglais vers le français. Ce qui explique pourquoi elle en connaît si bien les pièges, bon nombre de mots (comme college ou
library) ne voulant pas dire la même chose dans chaque langue. Mais pour Sylvie, l’héroïne totalement décalée de La
chance de leur vie, tout ça est nouveau. Loin de parler aussi bien l’anglais que son mari Hector, qui est originaire d’une bourgade de Cornouailles, ce sera donc un obstacle de plus à franchir dès l’instant où ils débarqueront aux États-Unis.
Convié à enseigner la philo pendant un semestre dans une université américaine, Hector a en effet décidé d’entraîner sa petite famille dans l’aventure, la Caroline du Nord étant nettement plus exotique que Paris. Ayant eu Lester sur le tard – la plupart des gens ont d’ailleurs tendance à penser que Sylvie est sa grand-mère ! –, leur fils de 14 ans profitera ainsi de l’occasion pour se faire appeler Absalom Absalom et tracer sa propre voie. Car à l’inverse de la plupart des jeunes de son âge, sa crise d’adolescence se muera très vite en crise mystique, prier l’aidant à reprendre le contrôle de sa vie. Tout le contraire de son père qui, à soixante ans passés, se transformera plutôt en véritable don Juan, son accent français lui permettant d’alimenter quantité de fantasmes…
À travers le regard complètement détaché de Sylvie, dont la principale ligne de conduite a toujours été le « nonagir », Agnès Desarthe signe ici un roman savoureux qui saura dérider à peu près n’importe qui.