Le Journal de Montreal - Weekend
À LA CHASSE AUX LIKES
Dans son premier long métrage, Fabuleuses, présentement en tournage, la réalisatrice Mélanie Charbonneau s’intéresse au rapport qu’entretiennent les jeunes adultes avec les réseaux sociaux, la popularité virtuelle, la chasse aux likes et aux followers. Pour le meilleur et pour le pire, sans parodie ni jugement.
Rencontrée au bar l’Astral 2000, à Montréal, théâtre d’une scène-clé de
Fabuleuses, la cinéaste derrière les courts métrages Seule et Lunar Orbit
Rendezvous a insisté: la comédie dramatique (ou « comédie de moeurs ») qu’elle coscénarise avec Geneviève Pettersen n’a rien d’un film pour adolescents ni d’un pastiche à la Like-Moi!.
L’oeuvre porte plutôt un regard empathique sur cette réalité souvent superficielle avec laquelle la jeune génération doit maintenant composer.
« J’avais envie de dépeindre cette période de la jeune vie adulte. Quand on vient de sortir de l’université, qu’on est dans un no man’s land, qu’on n’a été engagé nulle part, qu’on se cherche un peu, qu’on n’a pas d’argent, qu’on voudrait être plus mature et détaché de nos parents… Ce sera un moment charnière que les personnages vont vivre, le temps d’un été. »
« Dans la vie, j’aime faire rire et réfléchir, et j’ai envie de faire un film sincère, de toucher à une forme de vérité », a ajouté Mélanie Charbonneau.
HISTOIRE D’AMITIÉ
Les protagonistes et l’univers de
Fabuleuses sont inspirés de ceux de la web-série Les stagiaires, sans que la version cinématographique en soit une adaptation calquée.
Laurie (Noémie O’Farrell), une fille « ordinaire » de Saint-Eustache, débarque dans la grande ville avec, en tête, le rêve de vivre de sa plume et, particulièrement, d’être embauchée au magazine web Top. Elle réalisera vite qu’elle a avantage à agrandir son bassin d’abonnés sur Instagram et YouTube – on utilisera d’ailleurs les véritables noms des plateformes dans l’histoire – pour percer dans ce milieu très compétitif. La jeune femme cherchera alors à tirer profit de sa récente rencontre avec Clara Diamond (Juliette Gosselin), étoile du firmament numérique, spécialisée dans la promotion de produits cosmétiques, pour mousser sa propre image. Sans être une caricature, on imagine que le rayonnement de Clara, à la tête d’un mini-empire bâti autour de son seul nombril, pourrait s’apparenter à celui d’une Élisabeth Rioux, par exemple. Adulée par des milliers d’inconnus, Clara se révèle toutefois plutôt solitaire dans sa vie privée. À l’opposé, la colocataire et amie de longue date de Laurie, Élizabeth (Mounia Zahzam), musicienne et féministe convaincue, cherchera à l’éloigner des « paradis artificiels » d’internet. Clara et Élizabeth feront un peu office d’ange et de démon tirant Laurie chacun de son côté, mais Fabuleuses ne versera néanmoins pas dans le cliché de la compétition malsaine entre les trois copines. Clara perdra même un peu ses moyens devant l’indifférence d’Élizabeth à son endroit.
« On n’est pas des archétypes, a souligné Noémie O’Farrell. Il n’y a pas une fine et une méchante, c’est plus nuancé. Les filles ont quelque chose à s’apporter. »
« C’était fondamental pour moi de montrer des personnages de vraies filles fortes, réalistes, pas des "nunuches". Avec tout ce qu’elles peuvent avoir de paradoxal, de beau, de laid. Souvent, les personnages féminins en fiction sont très lisses », a plaidé Geneviève Pettersen, qui admet qu’on « rira jaune » en regardant Fabuleuses, sans que l’humour y soit cynique ni moralisateur. « C’est d’abord et avant tout une histoire d’amitié entre trois filles », a-t-elle conclu. Fabuleuses est une production de Go Films et prendra l’affiche en 2019. Le tournage prendra fin le 19 octobre.