Le Journal de Montreal - Weekend
SÉDUIRE la planète
Du 15 au 18 octobre, des dizaines de producteurs québécois s’envoleront pour Cannes où se déroule le marché mondial de la télé, le MIPCOM. La planète télé vit à grande allure et ne cesse de se renouveler. Et la multiplication des écrans ouvre la porte à un intérêt croissant pour les émissions de qualité et les créateurs allumés. J’en parle avec des producteurs qui ont une valise pleine de beaux projets à offrir hors de nos frontières.
François Rozon est président et chef de la direction d’Encore Télévision. Il a produit cette année la série qui a fait le plus jaser Fugueuse. « Le MIP nous permet de confirmer ou d’entreprendre des démarches avec les différents joueurs de la planète. On y présente nos séries, mais on prend aussi le pouls de ce qui pourrait être intéressant pour nous. Ça nous donne des échéanciers pour les options qui auraient été prises sur des projets et qui ne se seraient pas concrétisées aussi. C’est un monde constamment en ébullition. »
Louis-Philippe Drolet est producteur et cofondateur de KOTV, derrière les succès de 1res fois et Plan B. « Le MIP est un marché important pour nous. Cette année, j’ai une quarantaine de rendez-vous en trois jours, un véritable speed dating. C’est l’endroit où il faut avoir le flair de dénicher les bons formats étrangers tout en assurant la visibilité de contenu original. Plusieurs formats comme Les détestables ou Et
si ? ont permis de propulser KOTV. Les
magnifiques (actuellement à Radio-Canada) ont en quelque sorte assuré le développement de 1res fois en nous permettant de répartir le travail pour maintenir une belle cellule de développement à l’interne, explique-t-il. Ça nous permet d’avoir une équipe solide qui chapeaute des formats tout en créant l’ADN de nouveaux projets originaux. »
CONQUÉRIR LES JEUNES ADULTES
Ce n’est pas qu’un phénomène local, tous les diffuseurs cherchent à conquérir les jeunes adultes qui délaissent la télévision traditionnelle. La semaine
prochaine, Fugueuse et la nouvelle série Le jeu (produite par Amalga en collaboration avec Québecor contenu – distribution Armoza) seront proposées. Des fictions qui s’adressent directement à ce public grand consommateur de séries. « Pour Sarah est diffusée en Pologne et nous sommes en développement avec la France, raconte François Rozon. Fugueuse suscite beaucoup d’intérêt, tout comme Ludivine Reding qu’une grosse agence américaine a contactée. Quand une émission a des parts de marché qui se démarquent, les gens t’appellent. »
Nos productions québécoises se démarquent de plus en plus sur le marché mondial. « Nous avons beaucoup d’affinités avec la France, l’Allemagne, l’Italie, affirme François Rozon. Les Américains semblent doucement s’ouvrir à notre marché. » Du côté d’Encore,
Boomerang, Les beaux malaises et Lâcher prise attirent l’attention. « Lâcher prise est diffusé en Australie, est en développement en Allemagne et en option en France, poursuit-il. Le marché français en comédie est un créneau plus difficile à percer. Ils n’ont pas de demi-heure. » Le producteur compte aussi propulser Léo, la nouvelle série de Fabien Cloutier destinée au Club illico. Et pourquoi Les pays d’en haut ne pourrait pas intéresser un autre territoire en l’adaptant selon sa réalité ?
SÉRIES DE GENRES
Parmi les bébés de KOTV, Louis-Philippe Drolet mentionne la très bonne série Plan B qui a mis du temps à voir le jour, mais qui récolte aujourd’hui de belles reconnaissances. « La France, l’Allemagne et un gros studio américain s’intéressent sérieusement à Plan B. Nous sommes dans les derniers détails pour mener à une entente. C’est important pour nous de garder certains droits même quand on négocie avec les Américains. Ils ont déjà un réalisateur et une auteure en tête donc ça augmente nos chances de nous rendre jusqu’au pilote si tout se concrétise. » Les séries de genres, avec l’émergence de nouvelles plateformes comme Netflix ou Amazon, représentent un créneau intéressant. Tous recherchent de bonnes histoires.
L’ADAPTATION DES FORMATS
« Il faut avoir l’humilité d’adapter nos formats pour augmenter nos chances d’être acheté, avance Louis-Philippe Drolet. C’est ma toune a connu trois saisons en Lettonie. Comme leur bassin d’artistes est plus petit, on leur a suggéré que la 3e saison propose des thématiques autour de l’oeuvre d’un chanteur.
Le Verdict a été vu par 28 millions de téléspectateurs grâce à l’adaptation libanaise. Pour correspondre à leurs habitudes de vedettariat, il n’y avait qu’un invité par émission. Et comme nous sommes à l’ère de l’opinion et la technologie est mieux développée, c’est un format que l’on pourrait ressortir en intégrant les réseaux sociaux, les commentaires en direct.
« En avril dernier, on a senti beaucoup d’intérêt pour 1res fois. La France, l’Italie, l’Espagne et la Finlande ont pris des options et Warner souhaite vendre le format ailleurs dans le monde. Un format qui s’explique en une phrase, c’est la clé », confie-t-il. RÉSEAUTAGE ET LOBBYING
« Le MIP, c’est l’endroit où échanger avec des gens du milieu d’un peu partout sur la santé de leur industrie, son financement, leurs habitudes d’écoute », conclut Louis-Philippe Drolet de KOTV. Malgré la multiplication des plateformes, l’industrie télévisuelle est loin d’être en perte de vitesse. Si les consommateurs ne sont pas rivés en même temps sur les mêmes écrans, ils sont toujours aussi présents. Les artisans québécois sont reconnus pour leur créativité et leur débrouillardise, mais doivent compétitionner avec le reste du monde pour maintenir une culture dynamique. « C’est un secteur d’avenir, affirme François Rozon d’Encore Télévision. Chaque plateau embauche des centaines de créateurs. C’est de l’argent directement investi sur des humains. La télévision devrait être mieux supportée, mieux structurée. C’est mal vu de demander de l’aide à l’exportation. Nous devrions la regarder d’un point de vue économique comme une industrie. Nous sommes une véritable mine, une pépinière. »