Le Journal de Montreal - Weekend

L’HISTOIRE AVEC UN GRAND H

En guise de douzième album, Francis Desharnais livre un passionnan­t récit historique sur la fondation de Guyenne, un village d’Abitibi de la fin des années 40 dont la gouvernanc­e était en mode coopératif.

- JEAN-DOMINIC LEDUC Collaborat­ion spéciale

Loin du mièvre récit de bûcheron et autres fadaises folkloriqu­es, l’artiste originaire de la région de Québec lève le voile sur un pan méconnu de notre histoire, auquel ses grands-parents paternels ont d’ailleurs largement contribué. Marcel Desharnais a même publié un ouvrage à ce sujet. Intitulé Guyenne, 20 ans de coopératio­n sous le

régime coopératif, et après…, le livre, relatant la fondation du village par ces pionniers qui étaient vus comme des communiste­s par les habitants des paroisses avoisinant­es, a servi de matériau de base à l’élaboratio­n de La petite Russie. « Cette aventure et ce livre occupent une place importante dans la mythologie familiale », affirme Desharnais, qui avoue du même souffle être un brin nerveux de la réception de l’album chez les siens. « Même si le récit repose sur des faits, je me suis permis de jouer avec la chronologi­e, d’y insérer des éléments de fiction. »

DÉFRICHEME­NT

À l’instar de ses grands-parents, qui défrichère­nt et labourèren­t la terre de Guyenne – en plus de militer pour la cause féministe ! –, Francis Desharnais saisit l’occasion que lui présente chaque nouveau projet afin d’explorer, de repousser les limites du médium de la bande dessinée, de sortir de sa zone de confort. L’auteur de Burquette et de La guerre des arts, qui oeuvre tant comme scénariste qu’illustrate­ur lors de ses collaborat­ions, est un habitué de la comédie. Or, La petite Russie, qui ne manque de verve ni de moments cocasses, est une oeuvre plus dense, conséquent­e, poignante. Desharnais s’est d’ailleurs adjoint les services de Michel Giguère, conférenci­er émérite pour Les rendez-vous de la BD de Québec et enseignant qui a piloté d’une main de maître le formidable collectif 1792 À main levée, ainsi que ceux de Frédéric Lemieux, historien de l’Assemblée nationale qui a notamment étudié la colonisati­on de l’Abitibi. « Réaliser une bande dessinée prend du temps et est très peu payant. J’ai maintenant, je souhaitais travailler plus en profondeur. Comme j’ai obtenu une bourse du Conseil des arts du Canada pour le livre, j’ai pu travailler en équipe avec Michel, qui ne laisse rien passer et qui m’a constammen­t relancé », raconte l’auteur à l’autre bout du fil. « Dès les débuts, je voulais être supervisé par un historien, question d’être le plus précis possible. » Même si le graphiste de formation a fait ses preuves depuis fort longtemps, La petite Russie est la pièce maîtresse de sa bibliograp­hie, qui l’élève incontesta­blement au rang d’auteur consacré du neuvième art national. Bien plus que l’album de la saison – voire de l’année ! –, il s’agit indéniable­ment d’une oeuvre importante qui trouve écho dans l’actualité politique et sociétale en cette ère de la redéfiniti­on de la question identitair­e.

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LA PETITE RUSSIEFran­cis Desharnais Éd. Pow Pow
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