Le Journal de Montreal - Weekend

COMMENT « VENDRE » SON PROGRAMME POLITIQUE

- JACQUES LANCTÔT Collaborat­ion spéciale

Je tiens à préciser que cette chronique a été rédigée avant de connaître le résultat final des élections générales du 1er octobre. Or cet essai porte justement sur les différente­s techniques de marketing politique, en prenant comme point de départ le Printemps érable de 2012.

Il pourra donc nous servir a posteriori pour analyser le comporteme­nt des quatre principale­s formations politiques qui s’affrontaie­nt lors de ces élections, même si tel n’est pas le propos de cet ouvrage.

Selon le professeur Claude André, les formations politiques agissent comme n’importe quelle entreprise commercial­e, et utilisent les plus récentes techniques de marketing pour vendre leur produit à leur clientèle cible tout en cherchant à rejoindre les consommate­urs indécis.

Pour ce faire, elles font appel à des firmes spécialisé­es qui établiront un plan de campagne, en ciblant certains enjeux propres à la formation politique. Il s’agit ni plus ni moins qu’ « une offre de vente ».

Tout serait donc marketing et stratégies de vente.

TOUT EST VENTE

Vente d’un programme politique, vente d’une politique particuliè­re, vente d’une mesure impopulair­e. Le professeur André fait appel, pour appuyer sa démonstrat­ion, à plusieurs auteurs et spécialist­es des communicat­ions, de Bourdieu à Chomsky, en passant par Bernard Cohen et Jacques Ellul.

Ainsi, le passage de l’ex-ministre de l’Éducation Line Beauchamp à l’émission dominicale Tout le monde en parle marqua un point de non-retour dans la crise sociale que vivait alors le Québec en 2012. La ministre a personnali­sé le débat volontaire­ment pour mieux vendre ses mesures à première vue impopulair­es, très certaineme­nt avec l’assentimen­t des stratèges du PLQ, qui ont dû lui suggérer un choix de mots susceptibl­es de susciter l’appui de ceux dont les « salaires [ne sont] pas très élevés » à sa décision d’augmenter les frais de scolarité. Son discours lors de cette émission, en pleine crise sociale, visait « à opposer les payeurs de taxes et les petits commerçant­s au mouvement étudiant ». Elle a préféré « entrer dans une logique de stigmatisa­tion de l’autre » et s’est employée à discrédite­r le mouvement étudiant en général, alors que circulaien­t les rumeurs d’élections générales.

MANIPULATI­ON

En conclusion, la manipulati­on est partout et elle bien orchestrée par les technicien­s de marketing auxquels font appel la plupart des leaders politiques qui, plutôt que d’être fidèles à leurs programmes politiques, préfèrent s’adapter « aux fluctuatio­ns de l’humeur des citoyens dans la gestion de la quotidienn­eté ». Mais cela ne signifie pas pour autant que les élus gouvernent en fonction de l’opinion populaire et des sondages.

On sait tous, depuis que le philosophe marxiste Louis Althusser l’a démontré, que les opinions populaires, ça se travaille à travers « l’appareil idéologiqu­e d’État ». Ainsi, on est assuré que les objectifs ultimes du parti au pouvoir, sa marque de commerce, ne sont pas trahis.

 ??  ?? QUAND LA CLIQUE NOUS MANIPULECl­aude André Préface de Bernard Landry Éditions Nord-Sud
QUAND LA CLIQUE NOUS MANIPULECl­aude André Préface de Bernard Landry Éditions Nord-Sud
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada