Le Journal de Montreal - Weekend

UN LIEU, NEUF ÉCRIVAINS, UN BON BOUQUIN !

- JOSÉE BOILEAU

Neuf écrivains qui, ensemble, doivent créer un recueil de nouvelles ? Loin de l’homogénéit­é, tout l’exercice débouche sur des textes complèteme­nt éclatés ! Le recueil Les nouvelles de la rivière Noire est le fruit d’un collectif au sens concret de l’affaire. En septembre 2017, neuf auteurs ont été « séquestrés » pendant une semaine dans une grande maison en Estrie, nous dit le communiqué de presse.

À eux dès lors de s’inspirer du lieu pour pondre un texte, avec obligation de faire référence à un objet qui s’y trouvait ; à eux ensuite de se relire et d’échanger.

La démarche nous est expliquée en introducti­on du recueil, en faisant valoir l’enchanteme­nt de la belle demeure de Valcourt, le son de la rivière, les notes de musique, « le tintement des verres de vin »… Nous baignons aussitôt dans un rêve champêtre.

EN COMMENÇANT PAR...

Et là, vlam !, première nouvelle, signée de Patrick Sénécal. De ce décor enchanteur, il va – évidemment – tirer une effroyable histoire, bien épeurante, bien sanglante. Quel efficace contraste pour déjouer nos attentes !

Il s’en suivra huit textes très variés, des sombres comme des lumineux, signés de Sophie Bérubé, Isha Bottin, Marie-Ève Bourassa, Mouffe, Michel Mpambara, Katherine Raymond, Éric Saint-Pierre et Ghislain Tashereau. Des auteurs extrêmemen­t différents l’un de l’autre et qui le sont restés, même en s’inspirant d’un même lieu.

Comme pour tout collectif, chaque lecteur, chaque lectrice trouvera son coup de coeur. Mais il est particuliè­rement intéressan­t de voir comment Sophie Bérubé et Éric St-Pierre ont projeté dans l’avenir la maison ancestrale de Valcourt.

La première met en scène des avancées technologi­ques – des nanoproces­seurs installés dans la tête – qui vont ruiner la vie d’un homme accusé (faussement selon lui) d’agression sexuelle et qui doit se cacher. L’autre nous conduit dans un monde retourné à la barbarie, si sauvage qu’on ne sait même plus qui est Elvis Presley. Voyez l’humour sous la noirceur !

Ce sourire en coin est aussi au coeur de la nouvelle la plus originale du lot. Elle est signée de Katherine Raymond et s’intitule tout simplement « Patrick Sénécal ».

Dans une écriture riche qui fait appel à tous les sens, l’auteure relate un séjour dans une maison de campagne qui réunit des écrivains. « Un livre devait y être écrit en commun, mais c’est surtout le nom du grand écrivain qui ferait vendre. » Et cette délicieuse ironie se poursuit, alors que la narratrice se transforme en une bête pas rassurante du tout. Tant dans le ton que dans la forme, c’est brillant !

Et puis, il y a cette cocasserie qui traverse chaque nouvelle : ce bazoutalèn­e qui, décidément, a bien des définition­s ! La bande d’écrivains a dû s’amuser ferme en cherchant comment le placer, et nous en faisons tout autant à le retrouver.

Cet exercice d’écriture en était à sa première saison ; il a été repris cette année. Or, le premier recueil le confirme : c’est une très bonne idée !

 ??  ?? LES NOUVELLES DE LA RIVIÈRE NOIRE Collectif Québec Amérique 187 pages
LES NOUVELLES DE LA RIVIÈRE NOIRE Collectif Québec Amérique 187 pages
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada