Le Journal de Montreal - Weekend
HUIS CLOS SUR UNE ÎLE IMAGINAIRE
Plus de 10 ans après l’avoir écrit, l’auteur de thrillers à succès Michel Bussi a retravaillé l’un des premiers romans qu’il a écrits, Sang famille, pour l’offrir cette année à ses lecteurs. Ce huis clos se déroule sur une île imaginaire et aborde les thèmes qui lui sont chers, comme la quête d’identité et la filiation. Et c’est aussi, assure-t-il, son roman le plus personnel.
Le roman est né de l’impression, troublante, que l’on ressent lorsqu’on croise une personne et qu’on pense la reconnaître... puis que la réalité nous saute aux yeux. Impossible, puisque cette personne est décédée. Michel Bussi est parti de là pour imaginer la quête de Colin, un héros adolescent qui a de la difficulté à faire confiance aux adultes.
« Le point de départ était l’idée de l’ado qui ne peut pas faire le deuil, qui va croiser son père vivant et se demander, pendant tout le roman, s’il est vivant ou pas. L’ado qui a envie de croire que son père est encore vivant », explique-t-il en entrevue, quelques jours avant son départ pour le Québec.
PERSONNEL
Michel Bussi considère ce roman comme l’un de ses plus personnels. « C’est une des premières idées que j’ai eues. Après, j’ai beaucoup travaillé sur des héroïnes, sur le thème de la filiation. Dans ce roman, ce sont des héros masculins, ça parle du père et en ce sens-là, c’est un roman plus proche de moi. Je me suis identifié aussi à Colin, cet ado.
« Les thèmes que j’ai continué de traiter dans mes romans – l’adolescence, le passage à l’âge adulte, les regrets, les secrets de famille –, je les ai tournés autrement, avec des choses qui étaient peut-être un petit peu plus loin de moi, notamment en les transposant dans des univers plus féminins. »
L’écrivain rappelle qu’il a perdu son père assez jeune. « De ce point de vue, c’est vrai que c’est un roman plus personnel. Je savais ce que c’était qu’être un adolescent qui a perdu son père. »
Les souvenirs de camps de vacances qu’il évoque dans Sang famille ressemblent aux siens. « Cette idée de l’ado qui va à un camp de voile et qui n’aime pas la voile, c’était un peu mon cas. J’ai fait beaucoup de camps d’ado aussi. »
C’est le seul roman à se dérouler dans un lieu imaginaire. « Sang famille est vraiment le seul qui est aussi marqué. J’ai mis tous les ingrédients d’une île imaginaire, et je ne trouvais pas d’île française qui corresponde à tout ça. Il y avait vraiment une volonté de faire quelque chose qui se rapprochait de L’Île
au trésor de Stevenson. « Je voulais être dans l’imaginaire, dans le type de récit de quête initiatique d’adolescent, qui me semblait bien entrer dans cette invention d’une île, dont on invente tout un univers. Ça me plaisait beaucoup. J’ai adoré travailler en imaginaire pur. « Écrire un huis clos se déroulant sur une île renvoie aussi à des livres d’Agatha Christie, à L’Île aux
trente cercueils de Maurice Leblanc. Il y avait quelque chose d’assez classique à inventer une île où se déroule un huis clos, parce qu’il n’y a rien qui vient le parasiter parce qu’on maîtrise absolument tous les éléments. On n’a pas de contraintes. J’ai adoré écrire sur l’île de la Réunion et sur la Corse, mais inventer une île imaginaire, pour un romancier, c’est un plaisir sans doute supplémentaire. »
Il a aimé retravailler ce roman – il a d’ailleurs ajouté un personnage féminin. « Je trouvais qu’il y avait une fraîcheur dans les personnages et dans les dialogues que je trouvais assez légers, assez drôles et que je n’avais pas du tout envie de changer. J’ai aimé le côté “second degré” des personnages. » Professeur de géographie à l’université de Rouen, Michel Bussi est le troisième auteur français le plus lu en 2017 d’après le palmarès du Figaro. Il a écrit de nombreux polars et a obtenu quantité de prix. Ses ouvrages ont été traduits en 34 langues et les droits de ses romans ont été vendus pour le cinéma et la télévision.