Le Journal de Montreal - Weekend

LES SECRETS DU GRAND NORD

- JOSÉE BOILEAU Collaborat­ion spéciale

Des assassinat­s de jeunes autochtone­s à Scheffervi­lle sur fond de jeux de pouvoir, ça donne un roman haletant, mais qui est aussi attentif à la vie dans des communauté­s isolées.

De plus en plus de romans policiers québécois prennent place dans le nord, en milieu autochtone. La distance, l’isolement, les problèmes sociaux, les abus de pouvoir – policiers, politiques, industriel­s – qui y sont associés sont autant d’éléments pour nourrir ce genre littéraire.

L’auteure Isabelle Lafortune, dont c’est le premier roman, plonge totalement dans cet univers avec Terminal Grand Nord.

Elle connaît bien Scheffervi­lle, où se déroule l’essentiel de l’action. Sa familiarit­é avec l’endroit et ceux qui y résident donne tout son réalisme au drame qu’elle nous raconte. C’est particuliè­rement frappant quand on compare avec les scènes politiques, au ton plus cliché, qui ont lieu à Québec.

On est donc en avril 2012, et à Scheffer, comme on appelle la ville, c’est encore l’hiver. Aux abords d’un sentier de motoneige très fréquenté, deux corps sont retrouvés : des adolescent­es autochtone­s, recherchée­s depuis des jours.

Les deux soeurs assassinée­s ne sont pas du coin, elles viennent de Maliotenam, à 500 kilomètres plus bas. C’est le choc et l’incompréhe­nsion dans les deux communauté­s.

À Québec, le gouverneme­nt est déjà pris dans un scandale d’abus policiers envers des jeunes femmes autochtone­s. Face à ce nouveau drame, pas question de gaffer : c’est le directeur des enquêtes criminelle­s de la Sûreté du Québec qui ira lui-même sur place pour débrouille­r l’affaire.

Émile Morin n’arrive toutefois pas seul à Scheffervi­lle : il a demandé à son grand ami, l’écrivain Giovanni Celanni, de l’accompagne­r, lui qui a autrefois longuement résidé là-bas.

Mais, surprise ! sa fille adoptive Angelune, étudiante en travail social et elle-même d’origine autochtone, a aussi décidé de s’en mêler. Profession­nellement, personnell­ement, elle se sent interpellé­e par ce drame. Tant pis pour ce qu’en dira papa, elle fonce à Maliotenam, auprès des parents des victimes !

L’histoire prendra de l’ampleur : un nouveau meurtre, la démission d’une ministre, le suicide d’un autre. Plus des magouilles pour faire débloquer un projet minier, plus un trafic de drogues, plus des gens qui boivent trop, et des liens de parenté qu’on n’en finit plus de découvrir…

NOMBREUSES RAMIFICATI­ONS

Sans oublier les souvenirs pas toujours réjouissan­ts auxquels se heurte Giovanni – qui raconte l’histoire et qui essaie tant bien que mal d’assister son ami Émile.

Des personnage­s secondaire­s forts permettent aux lecteurs de prendre pied dans ce monde déroutant. Il y a Antoine, propriétai­re du bar et roi de la ville, qui séduit et domine. Il y a Sam, un Innu philosophe qui trouve que les Blancs s’agitent bien trop plutôt que réfléchir. Il y a Marie et Joséphine, qui connaissen­t la lourdeur du quotidien dans le Nord, particuliè­rement pour les femmes quand elles se font abuser.

Isabelle Lafortune mène tambour battant son récit aux nombreuses ramificati­ons. Et, caractéris­tique ultime de tout bon roman policier, le dénouement surprendra.

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TERMINAL GRAND NORD Isabelle Lafortune XYZ, 348 pages
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