Le Journal de Montreal - Weekend
AU CLAIR DE LA LUNE « A DÉTERMINÉ CE QUE JE SUIS »
Qui de mieux que le directeur général d’Éléphant : mémoire du cinéma québécois et ancien directeur des Rendezvous du cinéma québécois pour parler de sa passion pour les films de chez nous ?
Dominique Dugas, quel est votre premier souvenir d’une salle de cinéma ?
C’était à Québec, au cinéma Laurier, en 1974, et c’était Un amour de coccinelle.
C’est mon premier souvenir d’une salle et j’avais cinq ans. J’ai un autre souvenir, de Mary Poppins au ciné-parc, et je ne sais pas lequel est antérieur.
Le film qui vous a traumatisé, enfant ?
Carrie. L’image de la main de la mère qui sort de terre à la fin m’a hantée.
Votre premier « kick » au grand écran ?
C’est Jessica Lange dans King Kong ou Margot Kidder dans Superman.
La trame sonore de votre adolescence ?
C’est difficile parce que l’adolescence commence tôt et finit tard ! Celle du début de l’adolescence, c’est celle de Kiss
Meets the Phantom of the Park. Après, ç’a été celles de Grease, La fièvre du samedi soir, etc.
Votre premier film marquant ?
Le film le plus marquant de ma vie, celui qui a déterminé ce que je suis est Au
clair de la lune d’André Forcier. C’est le film qui m’a fait basculer vers le cinéma québécois et que j’ai vu quand j’avais 20 ans. De par sa force dans ma vie, il m’a vraiment fait entrer dans l’univers d’un cinéaste dont je ne soupçonnais pas l’existence au Québec. Forcier, sa poésie… Après, j’ai découvert, bien sûr, le cinéma de Forcier, mais il m’a amené vers Gilles Carle et tous les cinéastes québécois. Au clair de la lune, c’est une envie de faire du cinéma éventuellement, ce qui m’a fait m’inscrire dans une faculté de cinéma à l’UQAM. Mais j’ai réalisé très tôt que je n’avais pas le talent et je me suis plutôt dirigé vers la diffusion, et j’ai travaillé à la Cinémathèque québécoise. […]
Pour vous, quelle est la spécificité du cinéma québécois ?
C’est un cinéma qui nous ressemble, qui témoigne de qui nous sommes comme peuple, comme culture, de notre évolution. C’est un cinéma en mutation, qui se redéfinit avec ses nouvelles vagues de cinéastes qui nous ont apporté chacun leur tour leur vision du monde, de qui nous sommes. Le cinéma québécois, c’est nous. Il nous ressemble parce qu’il est né du documentaire dans les années 1950 et 1960 à l’ONF [Office national du film] avec des films comme Les
raquetteurs ou Pour la suite du monde
[…] Ensuite, d’autres y ont amené un peu de folie et de poésie avec Gilles Carle, André Forcier. […]
Le film québécois qui vous a le plus surpris ?
Un cinéaste qui m’a vraiment emmené ailleurs est vraiment Robert Morin. Le premier film de lui que j’ai vu est
Yes Sir ! Madame… Pour moi, on entre dans autre chose. Ça m’a complètement déstabilisé, et c’est ce que j’aime au cinéma.
Les trois films québécois que tout le monde devrait avoir vus ?
Pour la suite du monde [de Michel Brault, Marcel Carrière et Pierre Perrault] pour son impact et pour ce qu’il révèle de nous comme québécois m’apparaît fondamental. Un film comme Mon
oncle Antoine [de Claude Jutra] reste la quintessence d’un certain Québec et il faut l’avoir vu. Tout le monde devrait avoir vu un film de Forcier dans sa vie, surtout ce que j’appelle sa trilogie, Bar
salon, L’eau chaude, l’eau frette et Au clair de la lune sont des films qui ont une force incroyable.