Le Journal de Montreal - Weekend

UNE REVUE QUI A SU ACCOMPAGNE­R NOTRE HISTOIRE

Dans les milieux indépendan­tistes québécois, qui peut se vanter de connaître L’Action nationale, cette revue centenaire qui a pris parti, il y a une cinquantai­ne d’années, pour la nation québécoise et la création d’un État souverain ?

- JACQUES LANCTÔT Collaborat­ion spéciale

Je veux dire, qui la lit régulièrem­ent depuis 1967, année qui marque un tournant en faveur d’un Québec souverain ? Parce qu’il est vrai qu’elle fut longtemps associée au courant de droite du nationalis­me québécois et que cette image peut encore lui coller à la peau, surtout dans certains cercles qui ont la dégaine rapide pour discrédite­r le mouvement indépendan­tiste en l’accusant de racisme.

L’historienn­e Lucia Ferretti, la fille de la militante bien connue Andrée Ferretti, se propose donc de nous faire découvrir ou redécouvri­r cette revue militante qui a survécu à tous les raz-de-marée idéologiqu­es qui ont traversé nos cinquante dernières années, en sachant toujours s’adapter aux idées nouvelles, sans perdre de vue sa mission culturelle de représente­r le Québec et les Québécois dans ce qu’ils ont de différent et comment ils voient le monde autour d’eux.

PÉRIODE EFFERVESCE­NTE

La fin des années soixante et le début des années soixantedi­x marquent une période effervesce­nte dans le débat des idées au Québec. Plusieurs revues, de droite comme de gauche, sont mortes, dont Parti pris puis Cité libre, l’une indépendan­tiste tendance marxiste et l’autre férocement antination­aliste. D’autres naissent, comme Liberté, Maintenant, Québécoise­s deboutte !, Mainmise. L’Action nationale, elle, demeure et s’adapte, en faisant une place aux débats sur le colonialis­me et l’indépendan­ce, mis de l’avant par la défunte équipe de Parti pris. Paraissant dix fois l’an, L’Action nationale

« n’est la revue ni d’une chapelle, ni d’une génération, ni d’un parti », comme le souligne Ferretti. D’ailleurs, des anciens de Parti pris ,ou proches de cette revue, comme André Major et Jean Marcel, y dirigeront la section culturelle et on peut y apprécier, à l’occasion, des signatures de personnage­s en voie de devenir célèbres, comme Jacques Parizeau, François Aquin, Claude Morin ou JeanClaude Germain, aux côtés de celles de l’abbé Jules-Bernard Gingras et du jésuite Richard Arès. Ces opinions diverses contrebala­ncent un tant soit peu l’omniprésen­ce intellectu­elle (nationalis­me traditiona­liste) d’un François-Albert Angers, fondateur de l’Institut d’économie appliquée de l’École des HEC et véritable cheville ouvrière de la revue avec Rosaire Morin.

CRISE D’OCTOBRE

Fait à signaler : en octobre 1970, sous le titre « L’Octobre tragique », la revue impute la mort de Pierre Laporte

« et toute la Crise d’octobre à Pierre Elliott Trudeau avant tout », en raison de son arrogance envers les modérés, repoussant tout dialogue avec les Québécois inquiets

« du rouleau compresseu­r de la centralisa­tion fédérale ». La revue appelle même les Québécois à rejeter la peur, alors que bon nombre d’organisati­ons sont tétanisées par la peur.

« Le peuple tout entier doit entrer dans la marche pour sa libération définitive, pour son avènement à la souveraine­té. »

Si L’Action nationale aété de tous les combats pour la langue française et contre le projet de bilinguisa­tion du Québec si cher à Pierre Elliott Trudeau, il n’en sera pas de même pour la réforme de l’éducation. Angers, Groulx et Arès affirment que la Révolution tranquille, ce « rongeur de racines », veut « façonner une nouvelle nation asséchée du catholicis­me qui l’a gardée en vie. » On l’aura compris, elle lutte « pour que soit conservée la confession­nalité des structures scolaires ». La nation doit demeurer catholique ou elle ne sera plus.

Mais la revue ne pourra s’opposer bien longtemps à la modernité et elle acceptera de se défaire du nationalis­me traditionn­el pour demeurer dans le peloton de l’avant-garde intellectu­elle. Ferretti passe en revue tous les combats du Québec moderne auxquels a été associée de près L’Action nationale. L’arrivée de Robert Laplante, ce « visionnair­e à la plume véhémente et acide », à la direction de la revue, en mai 1999, y est très certaineme­nt

pour quelque chose. Il s’affairera à redéfinir l’idée d’indépendan­ce. « Il faut dire la vérité aux Québécois, clame-t-il. S’ils ne sortent pas du Canada, le Canada les dépouiller­a d’eux-mêmes. »

Une histoire emballante et encouragea­nte à lire pour ceux qui comme moi ont le « caquet bas ». C’est fait, je m’abonne.

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L’ACTION NATIONALE LE LONG COMBAT POUR LE QUÉBEC Lucia Ferretti Éditions Del Busso

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