Le Journal de Montreal - Weekend

L’art de raconter

Conteur extraordin­aire, homme de réflexion et d’une grande érudition, l’anthropolo­gue Serge Bouchard partage 64 textes brefs, d’abord écrits pour être lus au micro de l’émission C’est fou, à Ici RadioCanad­a Première, dans son nouveau livre, L’allume-cigar

- MARIE-FRANCE BORNAIS

Son dernier essai est à savourer, d’un couvert à l’autre : Serge Bouchard maîtrise l’art de raconter, de partager, et les sujets qu’il aborde sont importants. Il explore différente­s avenues dans son recueil : des souvenirs, des réflexions, des idées, de l’Histoire.

Pour lui, tout est dans l’art de raconter. « Souvenons-nous quand nous étions sur les bancs d’école : toutes les matières étaient victimes de nos professeur­s, ou toutes les matières étaient intéressan­tes, à cause de certains professeur­s. C’était la façon de la présenter. C’est universel et ça ne changera pas », commente-t-il, en entrevue.

PHILOSOPHI­E, HISTOIRE, ETC.

L’anthropolo­gue rappelle que c’est ce qu’il fait, à sa manière. « Je réfléchis à voix haute », dit-il.

« L’allume-cigarette de la Chrysler noire, ce sont des éditoriaux que je lis à la radio et qui doivent suivre les thèmes. Mais à la fin, je finis par faire de la philosophi­e, de l’Histoire, et de l’autobiogra­phie. »

LES ANNÉES 1950

Ainsi fait-il revivre son enfance dans l’est de Montréal dans les années 1950, évoque sa mère qui lisait des romans de Pearl Buck en buvant son coca-cola, raconte la fois où il a troué la banquette de la Chrysler noire de son père avec l’allume-cigarette.

« Je suis surtout heureux d’avoir eu un père qui n’a pas pensé vraiment à nous chicaner. Il pensait à nous protéger contre la colère de ma mère… Ça fait des drôles de situations. »

« J’essaie de faire honneur à mon éducation, à ma vie à Pointe-aux-Trembles avec des parents qui n’étaient pas riches. Mais finalement, j’ai eu une enfance heureuse. Je n’arrête pas de le répéter dans mes textes. On avait une pauvreté d’argent, mais la pauvreté culturelle ne faisait pas partie de notre décor. J’en fais l’éloge, dans mes livres. Le pire ennemi de l’humain, c’est son ignorance et sa sottise. On a gagné beaucoup en matériel, en richesse, mais on n’a pas gagné beaucoup en élévation d’âme dans les 50 dernières années. »

L’allume-cigarette tout comme Les yeux tristes de mon camion et C’était au temps des mammouths laineux sont des livres fondés sur la nostalgie d’un monde qui a existé très intensémen­t et qui est disparu, dit-il.

« Ce sont des livres d’un homme vieillissa­nt qui assume bien ses années passées. Il y a tellement de choses, dans mon seul temps de vie, qui ont été révolution­nées, qui ont changé, que j’en reviens pas. C’était une autre époque et tout ça a disparu. »

LA FRANCOPHON­IE EN AMÉRIQUE

Serge Bouchard écrit également avoir proposé des séries historique­s à plusieurs diffuseurs, essuyant des échecs chaque fois, sous prétexte que les gens n’aiment pas l’Histoire. Il ne mâche pas ses mots quand vient le moment de commenter cela.

« Je reste, et je resterai convaincu, jusqu’à la mort, que nous aurions dû produire et diffuser une grande série historique avec une partie de fiction ou non, à propos de ce matériau qu’est l’histoire de la francophon­ie en Amérique. »

« Tous les remarquabl­es oubliés, qui ont eu tellement de succès à la radio et à travers mes conférence­s à travers l’Amérique, n’ont jamais intéressé le moindre diffuseur au Québec. J’en reviens pas. Je suis obligé de conclure qu’on doit faire une sixième version de Séraphin Poudrier. »

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L’ALLUME-CIGARETTE DE LA CHRYSLER NOIRE Serge Bouchard Éditions du Boréal 248 pages
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