Le Journal de Montreal - Weekend

PLQ INC., TENTER DE FAIRE LA LUMIÈRE

La commission Charbonnea­u, vous vous rappelez ? C’était quelque part entre 2012 et 2014, il y a cinq ans déjà.

- JACQUES LANCTÔT Collaborat­ion spéciale

Cette commission, ordonnée à la suite d’allégation­s de corruption et de collusion rapportées par de nombreux reportages journalist­es, a rapidement mis en lumière des pratiques douteuses de financemen­t au sein du Parti libéral du Québec (PLQ). Il a même été question de sommes d’argent perçus par le chef libéral Jean Charest. Le cirque, qui a vu défiler, dans différents numéros d’acrobatie, de nombreuses personnali­tés, s’est terminé par une chute honteuse. Les deux commissair­es, France Charbonnea­u et Renaud Lachance, ne s’entendiren­t pas sur le verdict final et promirent de ne jamais accorder d’entrevue sur le sujet.

Alors que la commission Charbonnea­u était dans son dernier droit, les enquêteurs de l’Unité permanente anticorrup­tion (UPAC) se sont eux aussi intéressés au financemen­t occulte au PLQ. Malgré les éléments de preuve amassés depuis 2014 dans le cadre de l’enquête Mâchurer, l’UPAC semblent incapable de mener à bien cette investigat­ion. « L’UPAC s’est vidé de ses talents, partis à la retraite ou retournés dans d’autres corps policiers. » À ce jour, les principaux suspects ne font toujours face à aucune accusation.

Mais les journalist­es du Bureau d’enquête du Journal de Montréal, eux, ont voulu en savoir plus et ils ont patiemment remonter les différente­s filières chargées d’enquêter sur les allégation­s de financemen­t illicite du PLQ, véritable « machine à ramasser de l’argent ». Pour ne pas qu’on oublie si facilement que nous, électeurs, citoyens ordinaires et payeurs de taxes, avons été floués par des bandits profession­nels déguisés en politicien­s bergers et par des hommes d’affaires peu scrupuleux.

Le Bureau d’enquête a tenté de brosser un portrait d’un personnage-clé du financemen­t du PLQ, Marc Bibeau, « le meilleur ami de Jean Charest ». « Bénévole » au sein du PLQ à partir de 1995, celui-ci gravite dans les couloirs de l’Assemblée nationale, jamais loin du cabinet du premier ministre Charest. La fusion est telle qu’entre 2003 et 2016, Bibeau et Charest « se sont trouvés 45 fois en sol américain au même moment ». Coïncidenc­e étrange, on en conviendra.

Ce grand ami de Jean Charest était aussi le responsabl­e du « financemen­t sectoriel » au PLQ, une façon déguisée d’obtenir de l’argent de grosses entreprise­s à travers un réseau de prête-noms. Il partait en tournée et visitait les cabinets d’avocats, les sièges sociaux de grandes entreprise­s et autres firmes de génie et de constructi­on. Bibeau n’hésite pas à utiliser des méthodes musclées, qui s’apparenten­t à du trafic d’influence, affirment aux policiers les victimes de ce chantage aux contrats. Trump n’aurait pas fait mieux avec l’Ukraine.

DEUX NIVEAUX

Le financemen­t « sectoriel » se déroulait sur deux niveaux. D’abord, les compagnies contribuai­ent au PLQ à travers des activités locales comme des soirées cocktails, des tournois de golf, des soupers, etc. Mais pour Bibeau, ces activités ne comptaient pas. Lui, il s’occupait d’alimenter le « central » du PLQ à l’aide de contributi­ons annuelles.

Bibeau aurait fait miroiter aux entreprise­s qu’il pouvait influencer l’octroi de juteux contrats du gouverneme­nt, avec principale­ment Hydro-Québec et le ministère du Transport. En échange, les entreprise­s devaient verser des sommes substantie­lles fixées par Bibeau. Les dirigeants d’entreprise­s incitent alors « des employés à faire des contributi­ons politiques qui sont ensuite remboursée­s », par l’entremise de leurs allocation­s de dépenses ou selon d’autres stratagème­s comme de fausses primes de performanc­e ou de fausses facturatio­ns. Les chèques, quand ce n’était pas en espèces sonnantes et trébuchant­es, étaient ensuite remis à Violette Trépanier, directrice du financemen­t, dans les bureaux du PLQ, ou en main propre « au grand manitou du financemen­t libéral », Marc Bibeau.

Un système parfaiteme­nt huilé qui s’étendra sur plusieurs années.

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PLQ INC. Bureau d’enquête Les Éditions du Journal 352 pages
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