Le Journal de Montreal - Weekend
RONGÉ PAR UNE GRANDE CULPABILITÉ
Inspirée par une attaque gratuite dont son fils a été victime il y a quelques années, l’écrivaine française Valérie Tong Cuong explore les tourments causés par la lâcheté et la culpabilité dans son nouveau roman, Les guerres intérieures. Quel est le prix
Pax Monnier, un comédien qui a perdu des plumes, a renoncé à ses rêves de gloire quand son agent l’informe qu’un grand réalisateur américain souhaite le rencontrer sans délai.
Lorsqu’il passe chez lui, en plein coeur de Paris, pour enfiler un veston, il est surpris d’entendre des bruits de bataille dans l’appartement d’au-dessus.
Même si quelque chose de grave semble se passer, Pax voit que le temps presse pour son important rendez-vous et ne s’occupe de rien. En revenant à la maison, il apprend qu’un étudiant, Alexis, a été sauvagement agressé.
Une année plus tard, Pax tombe sous le charme d’une belle administratrice aux origines japonaises, Emi Shimizu. Mais ce qu’il ne sait pas, c’est que cette femme mystérieuse, toujours bien mise, réservée, est aussi la mère d’Alexis. Pax n’aura pas à attendre longtemps avant d’être pris au piège de la culpabilité.
SON PROPRE FILS AGRESSÉ
« Le point de départ de cette histoire remonte à plusieurs années : mon fils a été agressé dans mon immeuble », dit Valérie Tong Cuong, jointe à Paris pour l’entrevue.
« Un voisin est passé et il n’est pas intervenu. Alors immédiatement, c’est quelque chose qui m’a beaucoup interpellée. Mais je sentais que c’était trop frais, j’avais besoin de mettre ça de côté, de prendre le temps d’y réfléchir. Je savais qu’un jour, j’écrirais sur ce sujet-là. »
Après avoir publié son best-seller Par amour, elle se sentait prête à aborder le sujet de ces moments de faiblesse que tout le monde peut avoir.
« J’avais le sentiment que c’était un sujet qu’il est important de traiter maintenant, parce qu’avec l’époque dans laquelle on vit, cette tendance s’amplifie. »
Fort heureusement, l’agression dont son propre fils a été victime était moins grave que celle qu’elle décrit dans le roman.
« J’ai extrapolé. C’est mon travail de romancière d’amener l’histoire plus loin pour interroger les motivations des uns et des autres et pour comprendre aussi l’impact que ce type d’événement a sur les vies, que ce soit sur celle de celui qui subit l’agression ou sur ceux qui l’accompagnent. Dans Les guerres intérieures, c’est sa mère. Et bien sûr, l’impact sur celui qui peut-être aurait pu intervenir et ne l’a pas fait. »
DOUBLE CULTURE
Valérie Tong Cuong se sent proche du personnage d’Emi parce que son mari est Eurasien.
« D’une manière générale, je me sens assez concernée, par la difficulté de trouver leur place, pour les gens qui sont issus d’une double culture. Je trouvais cet aspect intéressant et j’ai choisi un personnage qui avait, en effet, du mal à repérer ses racines. »
Emi, en devenant mère, a pu mieux orienter sa trajectoire, mais lorsqu’Alexis se fait battre, c’est tout son univers qui s’écroule.
Valérie Tong Cuong dit que l’écriture de ce roman lui a permis de prendre conscience que tout le monde est concerné par les sentiments explorés dans le roman.
« Tout le monde peut détourner le regard, à un moment ou un autre, comme on est tous amenés à subir les conséquences du fait que quelqu’un d’autre a détourné le regard. L’humain est complexe. »
⬛ Valérie Tong Cuong a écrit 11 romans, dont Par amour (2017), couronné de nombreux prix, dont le prix des lecteurs du Livre de Poche.
⬛ Son oeuvre a été traduite en 18 langues.
⬛ Elle habite à Paris.
⬛ Elle compte bien visiter le Québec bientôt puisque sa fille aînée s’est installée à Montréal.