Le Journal de Montreal - Weekend

Les autochtone­s dans le paysage télévisuel

- EMMANUELLE PLANTE Collaborat­ion spéciale emmanuelle.plante @quebecorme­dia.com

De nouveaux visages issus de communauté­s autochtone­s percent l’écran par leur authentici­té. Ils s’inscrivent dans une diversité avec laquelle les ponts ont, trop souvent, été brisés ou fragilisés. Ils viennent de nations qu’on a cantonnées dans des clichés plutôt que d’encourager un dialogue mutuelleme­nt enrichissa­nt. Il était temps de poser notre regard sur eux et de les inclure dans notre paysage télévisuel.

« Nous avons 11 nations distinctes. Chacune a sa culture, sa langue, comme on l’entend avec Daisie dans Fugueuse qui est une Attikamek, constate le comédien Xavier Huard qui parcourt le Québec pour donner des ateliers de jeu auprès des différente­s communauté­s. Un acteur travaille avec son bagage, son vécu, qui nourrit ses émotions. Je pense que cette ouverture va enrichir l’expérience du public. »

« Ces nations, c’est 11 visages différents, avec leurs intonation­s, leur humour, explique le comédien Brad Gros-Louis. On m’a appelé pour l’audition de Fugueuse, mais n’étant pas un Attikamek, j’ai décliné. Ce qui me fait plaisir, c’est de voir que l’équipe a fait son travail pour bien faire les choses en recrutant des acteurs attikameks. Ils ont fait des recherches sur la Nation, ses comporteme­nts. Quand j’ai décroché le rôle de Gabriel dans L’heure bleue, j’ai eu des conversati­ons avec les auteurs pour qu’on s’assure de la crédibilit­é de mon personnage, un traducteur monoparent­al. C’est très rassurant. »

FAIRE SA PLACE

Dans la série Épidémie ,cesontdes Inuits qui s’illustrent, dont Nancy Saunders qui a hérité d’un rôle principal, une étudiante en biochimie médicale. Un premier rôle. « Épidémie est une expérience inattendue. Moi je voulais être prof au primaire ! » lance-t-elle. Les études et la difficulté de trouver un logement dans sa communauté l’ont menée à Montréal. « Ici, j’ai fait ma place. J’ai un appart, un chum, un travail. Même si c’est parfois confrontan­t d’avoir une caméra si proche, je suis fière avec Épidémie de représente­r une image positive des Inuits qui n’a rien à voir avec ce qui est diffusé dans les médias. »

Cette fierté, Ulivia Uviluk, la ressent aussi. « J’ai hésité avant d’accepter le rôle d’Alacie (qui est dans la rue). Nous sommes une petite communauté à Montréal, on se reconnaît et certains sont touchés par l’itinérance. Je fais du militantis­me. On n’est pas tous dans ces conditions-là. Quand le Game Boy Advance est sorti ici on l’a eu aussi dans le Nord ! rigole-t-elle. Mais j’ai vu ça comme une chance de nous faire connaître, d’entendre de l’inuktitut, puisqu’on a peu de représenta­tion à la télé. »

Toutes deux répéteraie­nt l’expérience et parlent du réalisateu­r Yan LanouetteT­urcotte qui a su les mettre à l’aise et de leur coach, Xavier Huard, qui a été d’une grande aide pour leur rôle et aussi pour comprendre le fonctionne­ment d’un plateau. « La production a décidé d’apporter un soutien dès les auditions. Je viens moi-même d’une région et je sais que juste le fait de débarquer à Montréal peut être déstabilis­ant », note-t-il.

RECRUTER LA DIVERSITÉ

C’est la directrice de casting Karel Quinn qui a recruté les acteurs sur la production. « Nous avons d’abord tenu des auditions ouvertes à toutes les nations sur les réseaux sociaux. Nous avons eu énormément de candidatur­es, malgré la distance, confirmant qu’il était possible de ne retenir que des Inuits, tel qu’inscrit au scénario. Nous avons aussi présenté les personnage­s avec beaucoup de délicatess­e. Pour démystifie­r les préjugés, il faut les voir, montrer que ces gens-là ont des émotions. »

Karel affirme avoir fait de belles découverte­s. « C’est un travail exigeant. Il faut s’assurer qu’au-delà du talent, les gens ont aussi la motivation. Nous avons un retard à rattraper, mais on le voit, chaque fois qu’on donne la chance à des gens issus de la diversité de se faire connaître, c’est positif. » Carole Dionne, qui recrute des figurants pour de nombreuses séries télé, abonde dans le même sens. « J’ai actuelleme­nt une trentaine de talents dans ma banque, issus des communauté­s autochtone­s. Le bouche-à-oreille se fait. Lors des tournages, ils s’organisent, je les aide pour le transport. De plus en plus de séries me donnent carte blanche pour pourvoir certains postes. Marc Assiniwi, par exemple, est policier dans District 31 .Ce sont des gens qui percent l’écran. »

« Quelques pas ont été faits, note le comédien Marco Collin que l’on verra bientôt au théâtre dans La cartomanci­e du territoire et Alterindie­ns. Mais un travail doit être fait au niveau des personnage­s et de la manière dont on les met en scène pour sortir des clichés et de la vision onirique de l’indien. On veut être sur la map, dire des vraies choses. J’aime mieux jouer un policier indien qu’un Indien policier ! »

ALLER À LEUR RENCONTRE

« Que ce soit moi dans Les Pays d’en haut ou Natasha (Kanapé Fontaine) dans Unité 9, les jeunes nous interpelle­nt et ils s’intéressen­t aux métiers de la télé », remarque Marco Collin.

« Être artiste dans les communauté­s autochtone­s, c’est très valorisé », observe Xavier Huard qui, avec Marco et Charles Bender, a cofondé la compagnie théâtrale Production­s Menuentaku­an, point de rencontre entre des artistes autochtone­s et non autochtone­s.

« Ce sont des gens qui ont une capacité, une sensibilit­é, une ampleur de jeu. Tout est là. Mais les ponts n’existent pas entre les communauté­s et le milieu télévisuel. C’est important d’aller à leur rencontre pour dynamiser leur désir pour le jeu, offrir des ressources, être mentors, parrains. »

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COMMUNAUTÉ­S AUTOCHTONE­S
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