Le Journal de Montreal - Weekend

UNE PREMIÈRE FEMME

À LA TÊTE DE WRITTEN ON SKIN

- MARIE-JOSÉE R. ROY

Non seulement l’Opéra de Montréal offre ce mois-ci la toute première version canadienne de l’opéra Written on Skin, oeuvre de l’Anglais George Benjamin acclamée à travers le monde, mais c’est de surcroît une femme, la chef d’orchestre Nicole Paiement, qui la dirigera pour la première fois.

« C’est une oeuvre qui donne du pouvoir à la femme, abonde Nicole Paiement. À bien des égards, il y a un côté très, très féministe, présenté sous un oeil complèteme­nt nouveau. On y parle de la libération d’une femme qui, au début, est très prise dans sa vie. »

Cette femme, c’est la jeune Agnès (incarnée ici par la soprano Magali Simard-Galdès), qui vit sous le joug d’un mari possessif et violent, le Protecteur, à une époque qui nous ramène 800 ans derrière. D’un choeur d’anges cyniques s’échappera le Garçon, qui poussera Agnès à vouloir s’échapper de ce monde étouffant.

La délivrance d’Agnès, coeur du récit de Written on Skin, souligne Nicole Paiement, se traduit apparemmen­t très bien dans son costume, confection­né par le designer Philippe Dubuc. Le metteur en scène Alain Gauthier, lui, décrit la pièce — jouée pour la première fois en 2012 à Aix-en-Provence — comme une « légende médiévale », une « histoire d’oppression et d’émancipati­on où se côtoient le passé et le présent ».

« Pour moi, Written on Skin est la grande oeuvre du 21e siècle, présenteme­nt, précise Nicole Paiement. C’est l’oeuvre à voir, c’est une oeuvre unique et ambitieuse. C’est très exigeant au niveau de l’écriture, son langage musical est vraiment original. Les chanteurs font un travail exceptionn­el, parce que c’est probableme­nt l’une des oeuvres les plus difficiles à apprendre.

« C’est une histoire basée sur les époques contempora­ine et médiévale, qui relie les deux périodes. Il faut en jouir, sans nécessaire­ment essayer de comprendre… », ajoute la chef.

RENOUVEAU

Native de l’Ontario, Nicole Paiement a étudié la musique à l’Université d’Ottawa et à l’Université McGill, et fut la première femme admise en direction d’orchestre à la Eastman School of Music à Rochester, dans l’État de New York.

Elle a aujourd’hui sa compagnie d’opéra contempora­in à San Francisco et voyage ses baguettes à travers la planète ; Dallas, Londres et Los Angeles figurent à son itinéraire des prochains mois. Elle a rarement eu la chance de travailler au Canada et au Québec, même si elle considère Montréal comme son chez-elle.

Sans s’enflammer lorsqu’on lui demande si le milieu de l’opéra a déjà été et est encore une chasse gardée masculine, la dame reconnaît qu’il lui a fallu tailler sa place.

« Dépendamme­nt des maisons où je travaille, des grosses boîtes, il y a des endroits où les gens sont surpris de me voir arriver, parce que je ne suis pas très corpulente. Mais je crois que, dès la minute où on commence à travailler, ce côté-là s’égraine, parce que les gens voient qu’on est là pour faire une production intéressan­te.

« C’est un milieu masculin, et l’opéra demande un leadership différent de celui d’un orchestre. Dans l’opéra, il faut avoir un autre aspect de compréhens­ion, au niveau de la mise en scène, de la production, qui est peut-être plus masculin à certains égards. Il y a peutêtre moins de femmes qui s’aventurent vers l’opéra, mais moi, j’ai souvent des assistante­s qui sont des femmes, et on en voit de plus en plus. »

Par ailleurs, Nicole Paiement remarque que, de façon générale, l’opéra — le type d’art qu’elle préfère diriger — s’ouvre à la diversité, tant sexuelle qu’ethnique et génération­nelle, et n’hésite pas à parler de renouveau.

« Il y a beaucoup de jeunes créateurs qui cherchent à redéfinir ce que peut être l’opéra, pour y intéresser leur génération. Auparavant, l’opéra, c’était le miroir de ce qui se passait actuelleme­nt, c’était le cinéma de l’actualité. On a un peu perdu ça, avec la musicologi­e qui nous amène à reprendre les oeuvres du passé. Mais il y a beaucoup de compositeu­rs qui s’intéressen­t à nous parler d’histoires récentes, de choses qui nous touchent davantage, avec un langage et une esthétique scéniques particulie­rs. Pratiqueme­nt toutes les semaines, je reçois l’oeuvre d’un nouveau compositeu­r, quelque part à travers le monde. »

L’Opéra de Montréal présentera Written on Skin les 25, 28 et 30 janvier, et 2 février, à la salle Wilfrid-Pelletier de la Place des Arts.

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Daniel Okulitch dans le rôle du Protecteur et Magali Simard-Galdès dans le rôle d’Agnès.
OPÉRA DE MONTRÉAL Daniel Okulitch dans le rôle du Protecteur et Magali Simard-Galdès dans le rôle d’Agnès.

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