Le Journal de Montreal - Weekend
LE DÉFI DE L’OPÉRA POUR PHILIPPE DUBUC
Passé maître dans la mode masculine, habitué de collaborer avec les Ballets Jazz de Montréal et ayant souvent laissé sa griffe au théâtre et au cinéma, le designer Philippe Dubuc relève présentement un nouveau défi en travaillant pour la première fois avec l’Opéra de Montréal, sur la production Written on Skin, présentée en première canadienne.
« C’est le summum du top du top, tu ne peux pas aller plus haut que ça », souffle Philippe Dubuc avec un sourire, en précisant que c’est l’Opéra de Montréal qui l’a invité à prendre part à l’aventure.
« Ça me sort de mon quotidien, de la grosse business de la mode, ajoute le créateur. Je suis toujours impressionné de voir ce travail requis… pour quatre représentations seulement ! On parle de 12 000 personnes qui vont voir le spectacle. On se croise les doigts pour qu’il voyage par la suite. C’est beaucoup de travail. »
SOBRIÉTÉ
Fresque ambitieuse racontant l’émancipation d’une femme, Agnès, sous l’emprise d’un homme malveillant, Written on Skin ne donne pas dans l’excès, assure Philippe Dubuc.
De toute façon, la démesure, très peu pour lui. Certes, l’opéra commande d’amplifier textures et motifs, pour que l’oeil du spectateur assis loin au balcon de la Salle Wilfrid-Pelletier puisse en profiter, mais Dubuc prône la sobriété dans ses conceptions. D’autant plus que l’oeuvre composée par l’Anglais George Benjamin dégage une austérité certaine et n’a rien d’éclaté, considère-t-il. Tenues sombres et monochromes sont donc à l’honneur.
« Mon approche par rapport à Written on Skin en est une de créateur. Je m’inspire de la haute couture, et j’aspire à ce qu’on ait envie de porter soi-même ces vêtements. Quand on les regarde de près, ça ne ressemble pas à un costume. »
« Ce qui est intéressant pour moi, c’est que je n’ai pas eu à représenter exactement un costume d’une certaine époque. Le metteur en scène, Alain Gauthier, et l’Opéra de Montréal voulaient une facture très contemporaine dans cet opéra, tant au niveau du propos et de la mise en scène que de la scénographie. »
Fait intéressant, et contrainte supplémentaire pour Philippe Dubuc : les cinq interprètes principaux de Written on Skin ne sortent pas de scène pendant les représentations. Ce qui ne signifie pas pour autant que les protagonistes ne changeront jamais de pelures…
ÉVOLUTION
« Il y a une décomposition. Le personnage d’Agnès évolue beaucoup à travers l’histoire, et le vêtement suit cette évolution », se contente d’imager Philippe Dubuc, en mentionnant au passage que les personnages du choeur des « anges noirs », de « hoodies » et de jeans vêtus, sont en fait des figurants et jouent les manutentionnaires pour les mouvements de décors et les changements de costumes sur les planches.
« La compréhension du spectateur, pour moi, est très importante, même s’il y a une certaine intemporalité là-dedans. On ne sait pas trop où on est, on ne sait pas trop où on se situe, mais c’est quand même important de comprendre l’histoire », conclut Philippe Dubuc quant à la philosophie qui guide son apport à Written on Skin.