Le Journal de Montreal - Weekend
Laurence Leboeuf dans un huis clos troublant
Laurence Leboeuf n’a pas peur des défis. Ça tombe bien parce qu’elle en avait tout un à relever pour se glisser dans la peau d’une femme à fleur de peau qui vient de vivre un choc émotif terrible dans le thriller psychologique Mont Foster.
Alors que certaines actrices auraient peut-être eu peur de porter l’immense charge émotive de ce personnage, Laurence Leboeuf n’a pas hésité une seconde à plonger dans l’univers sombre et inquiétant de Mont Foster, premier long métrage du réalisateur et scénariste Louis Godbout.
« Tout de suite en lisant le scénario, je me suis dit : “oh my god, je veux faire ce film-là”, souligne-t-elle en entrevue. J’ai rencontré Louis peu de temps après et j’étais déjà imprégnée de toute cette histoire et ce personnage. »
Huis clos troublant et brillant campé dans une superbe maison moderne isolée au milieu de la forêt, Mont Foster met en scène un couple qui décide d’aller passer quelques jours ensemble dans ce « chalet » après avoir vécu un terrible drame. Mais autant Mathieu (Patrick Hivon) semble être prêt à surmonter cette épreuve, autant Chloé (Laurence Leboeuf) a du mal à affronter la réalité, et la présence de la nature autour d’elle fera resurgir de vieilles peurs qui la hantent depuis longtemps.
Sans révéler la nature du drame qui habite son personnage, Laurence Leboeuf admet avoir dû faire un travail important pour comprendre sa détresse.
« Je suis loin d’avoir déjà vécu quelque chose de semblable, dit-elle. Mais c’est le métier d’acteur que d’essayer de se rapprocher le plus possible des émotions de nos personnages. Sans nécessairement avoir vécu une chose comme ça, on peut se rapprocher de l’idée de ce que ça serait de vivre ça.
« Ce personnage était probablement fragile dès le début de sa vie. Elle a porté cette espèce de fragilité pendant longtemps, mais elle a réussi à vivre avec cela en s’appuyant sur des gens comme Mathieu, son chum, qui est un peu un pilier. Mais là, il arrive quelque chose qui fait en sorte qu’il faut qu’elle rentre dans le concret. Ça la ramène sur terre et elle perd son chemin. »
INSPIRÉ PAR GOETHE
Pour ce premier long métrage à titre de réalisateur, Louis Godbout s’est inspiré en partie du poème de Goethe Le Roi des aulnes.
« J’ai toujours aimé ce poème de Goethe, souligne Godbout, qui est aussi professeur de philosophie. Le poème parle de deux personnes, un père et son fils, que tout rapproche, mais qui vivent la réalité de façon très différente. Il y a un problème de communication entre les deux qui vient du fait qu’ils ne voient pas du tout le même monde autour d’eux. J’ai trouvé ça intéressant d’imaginer la même dynamique, mais dans un couple qui devrait normalement être très proche. Mais parfois on peut être très proche de quelqu’un, mais aussi en même temps être très loin de cette personne sans le savoir. »
Il règne une ambiance inquiétante — et parfois même terrifiante — dans Mont Foster. Louis Godbout s’est amusé à mélanger les genres en revisitant certains codes du thriller et même du cinéma d’horreur. On peut d’ailleurs établir quelques comparaisons avec certains films de Lars von Trier (Melancholia, notamment). Le cinéaste assume totalement cette influence :
« Quand j’ai rencontré Laurence pour la première fois, je lui ai parlé de Melancholia et elle m’a tout de suite dit qu’elle avait elle aussi pensé au personnage principal de ce film en lisant mon scénario. Comme la femme jouée par Kirsten Dunst dans Melancholia, Chloé a des antennes branchées directement sur la nature. Elles sont un peu dans le même état d’esprit.
« En ce qui concerne l’ambiance du film, c’est sûr que quand on met en scène deux personnes dans une maison au milieu de la forêt, il risque d’y avoir quelque chose d’inquiétant et des éléments de suspense et de thriller. On s’est amusés à explorer cela. »