Le Journal de Montreal - Weekend
NE PAS RETOURNER DANS LE SILENCE
En octobre 2017, devant la vague de témoignages suscitée par le mouvement #MoiAussi, la romancière et essayiste féministe montréalaise Martine Delvaux a décidé qu’une fois sorties du silence, les femmes ne devaient pas y retourner. Elle a lancé un appel e
Martine Delvaux considère cet ouvrage comme « une chambre d’écho », ou « un choeur », et souhaite que les femmes fassent front commun pour dénoncer les abus en tout genre. Dans le livre, elle a agencé les paroles d’une centaine de femmes qui ont témoigné de leur expérience personnelle.
« L’idée m’est venue parce que, comme d’habitude, quand les femmes prennent parole, les paroles se perdent. Je me suis dit que ça valait peine de les garder, de les colliger, d’en faire quelque chose », dit-elle, en entrevue.
Elle a lancé un appel sur les réseaux sociaux, indiquant qu’elle voulait faire une création documentaire.
Elle a reçu une centaine de réponses, sur quelques mois. « Après, il a fallu que je trouve comment faire. J’avais l’impression d’être un porte-voix, une messagère. Ma ligne directrice était d’essayer de trouver des pierres brutes dans les témoignages. Ce que j’aimais, c’était quels mots ces femmes choisissaient pour décrire leur expérience. »
Martine Delvaux dit que c’étaient « 100 voix, qui font une seule voix ». « Ce n’est pas “up la vie”.
Si ces femmes prennent le temps de m’écrire et de m’envoyer leur récit, qu’il s’agisse d’un viol par un ou des inconnus, ou d’un geste de harcèlement de rue, ç’a la même importance. En termes juridiques, ça n’a pas la même importance, mais pour moi, ç’a la même importance. »
HARCÈLEMENT ET AGRESSIONS
Elle dénonce le climat social dans lequel on vit, au Québec. « Il y en a, du harcèlement, ici. Il y en a, des agressions sexuelles. Il y en a, des viols. Les statistiques le montrent. On n’arrête pas de le dire. Est-ce que c’est plus insidieux ? Peut-être. Plus caché ? Peut-être… je ne le sais pas. Mais mon objectif, c’est de rendre cela visible. On a tendance à l’oublier. »
Martine Delvaux dit qu’il faut qu’on porte ce livre, comme société. « On ne peut pas juste faire comme si ça n’existait pas. Quand on a un livre comme ça, sur 100 pages, avec ces témoignages, c’est dur à lire… mais c’est dur à vivre ! La majorité des femmes, on a vécu, au moins une fois, une expérience d’agression sexuelle, peu importe le degré de l’agression. Je pense que tous les cas de figure sont présents. »