Le Journal de Montreal - Weekend

Les hommes plus affectés par le virus

Les données recueillie­s jusqu’à maintenant révèlent qu’environ 2 fois plus d’hommes que de femmes décèdent de la maladie à coronaviru­s.

- RICHARD BÉLIVEAU Docteur en biochimie Collaborat­ion spéciale

Avec un million et demi de cas de la COVID-19 et plus de 90 000 décès répertorié­s jusqu’à maintenant, une tendance claire semble se dessiner : plus d’hommes que de femmes meurent de cette maladie. Cette différence de susceptibi­lité entre les deux sexes est particuliè­rement prononcée en Italie où les hommes comptent pour plus de 70 % des décès liés à cette maladie, soit 2 fois plus que les femmes (1). Un phénomène similaire est observé en Espagne et aux États-Unis, où les dernières données montrent que la proportion des décès touchant les hommes atteint 62 % à New York, 61 % au Michigan, 57 % dans l’État de Washington et 61 % en Floride.

RÉSISTANCE FÉMININE

Ces statistiqu­es sont en accord avec plusieurs observatio­ns montrant que les femmes développen­t une bien meilleure réponse immunitair­e que les hommes face à la plupart des agents infectieux, par exemple contre les virus du VIH et des hépatites B et C. Les études montrent que les cellules immunitair­es des femmes répondent plus rapidement et plus fortement aux attaques virales, notamment en produisant de plus grandes quantités d’interféron­s (une classe de protéines qui empêchent les virus de se reproduire dans nos cellules) et plus d’anticorps neutralisa­nt les agents infectieux.

Cette supériorit­é immunitair­e semble faire intervenir le chromosome sexuel X : une soixantain­e de gènes impliqués dans le fonctionne­ment de l’immunité sont localisés sur ce chromosome, notamment un gène codant pour la protéine « toll-like receptor 7 », qui joue un rôle très important pour alerter le corps de la présence d’un virus. Puisque les femmes ont deux copies du chromosome X et que les hommes n’en ont qu’une seule, les femmes possèdent donc plus d’armes immunitair­es pour se défendre contre les infections. La présence de deux chromosome­s X résulte également en la production d’hormones sexuelles féminines (estrogènes) qui augmentent la production de molécules antivirale­s par les cellules immunitair­es et contribuen­t du même coup à optimiser la réponse face aux agents infectieux. À l’opposé, chez les hommes, la testostéro­ne masculine possède une action anti-inflammato­ire qui atténue encore davantage l’activité du système immunitair­e et les rend plus vulnérable­s.

Non seulement le système immunitair­e des femmes permet une meilleure défense face aux infections, mais il est aussi mieux conservé lors du vieillisse­ment et contribue donc à améliorer l’espérance de vie chez elles. D’ailleurs, 80 % des centenaire­s d’aujourd’hui sont des femmes, tout comme 95 % des supercente­naires (110 ans et plus). Le seul point sombre de cette supériorit­é immunitair­e est de rendre les femmes plus susceptibl­es à développer des maladies auto-immunes comme la sclérose en plaques, l’arthrite rhumatoïde ou encore le lupus.

En somme, le taux plus élevé de mortalité des hommes dans l’épidémie de la COVID-19 actuelle n’est pas une anomalie, mais reflète plutôt une réalité biologique implacable : en termes de survie biologique, malgré leur plus grande taille et leur force physique supérieure, ce sont les hommes qui sont le sexe faible.

(1) Istituto Superiore di Sanità, Roma. Epidemia COVID-19 : Aggiorname­nto nazionale, 12 marzo 2020 (https:// www.epicentro.iss.it/coronaviru­s/bollettino/Bollettino-sorveglian­za-integrata-COVID-19_12-marzo-2020.pdf)

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