Le Journal de Montreal - Weekend
QUAND LA RÉALITÉ SE RAPPROCHE DE LA FICTION
Un mystérieux virus sème la terreur dans une communauté micmaque, forçant la fermeture de ses frontières. Ça sonne familier ? C’est pourtant le scénario de Blood Quantum ,un film d’horreur que le réalisateur autochtone Jeff Barnaby s’apprêtait à lancer le
« Avant, j’avais un plaisir fou à parler de films comme celui-ci. Mais maintenant, disons que c’est différent », laisse tomber le cinéaste originaire de la réserve Listiguj, en Gaspésie, depuis son domicile de Montréal.
Évidemment, son oeuvre est entièrement fictive. Oui, sa prémisse de départ est particulièrement près de la réalité, mais elle s’ancre solidement dans la fiction lorsque les personnes infectées par ce virus se transforment en zombies assoiffés de sang et de chair.
TABOU ET DÉNONCIATION
D’abord présenté au Festival international du film de Toronto l’an dernier, Blood Quantum devait présentement être à l’affiche dans les salles de la province. La pandémie de COVID-19 ayant forcé la fermeture des cinémas, sa sortie est désormais indéterminée. Le réalisateur a tout de même tenu à aller de l’avant avec les entrevues l’entourant.
« Les films de pandémie sont très tabous ces temps-ci. Pourtant, suite à l’éclosion, le film le plus regardé sur Netflix était Contagion. Les films d’horreur sont une manière d’obtenir une dose d’adrénaline, de confronter nos peurs, tout en demeurant en contrôle de la situation. Les événements actuels viennent en quelque sorte accentuer ce rush », plaide-t-il.
Mais Blood Quantum n’est pas qu’un film d’horreur. Car à la base, Jeff Barnaby entendait utiliser ses zombies comme métaphore servant à critique l’industrialisme et le colonialisme ayant laissé des traces indélébiles sur le peuple autochtone.
« Le début de mon film suggère que c’est une catastrophe naturelle qui a causé l’épidémie de zombies. Et le colonialisme et l’industrialisme sont deux choses qui ont détruit l’environnement. Mon but était d’abord et avant tout de faire un bon film de zombie. Mais je voulais qu’il y ait ce commentaire social. La difficulté, c’est que ce message ne soit pas didactique ; je sais à quel point ça peut être rebutant de sentir qu’un film nous fait la morale. Je pense que les éléments d’horreur et de gore viennent tempérer le tout », indique-t-il.
SORTIE CONFIRMÉE
En entretien au Journal ,le cinéaste s’avoue optimiste de pouvoir offrir une sortie sur grand écran à son Blood Quantum lorsque les mesures de santé publique permettront aux cinéphiles de l’apprécier dans les cinémas.
Et si la pandémie perdure ? Les plateformes d’écoute en continu Crave et Shudder ont déjà acquis les droits de diffusion, prévoyant offrir le film d’ici la fin de l’année.
Peu importe le support sur lequel son film sera offert, le cinéaste est bien conscient que c’est d’un nouveau regard que les cinéphiles le découvriront après avoir traversé la crise actuelle.
« Les gens vont probablement le regarder en ayant plus d’empathie pour le peuple autochtone dans mon film, qui traversent une situation apocalyptique, qui sont terrifiés. On vit tous quelque chose de semblable en ce moment, alors il serait difficile de ne pas éprouver de la sympathie, non ? » avance-t-il.
Blood Quantum sera disponible en vidéo sur demande à compter du 28 avril.