Le Journal de Montreal - Weekend

RENÉE CLAUDE EN NOIR ET BLANC

- JACQUES LANCTÔT Collaborat­ion spéciale

Renée Claude et Pauline Julien sont deux idoles qui ont marqué notre jeunesse, je parle des baby-boomers il va sans dire. Ces deux chanteuses, différente­s par leurs styles, symbolisai­ent le nouveau Québec en devenir. Les gars de ma génération, nous étions tous en pâmoison devant l’une et l’autre. André Ducharme ne dit-il pas, en préface, qu’il a « voulu l’épouser [Renée Claude] aux premières notes entendues à la télévision, au début des années 1960 » ?

Le journalist­e Mario Girard nous dévoile, dans cette biographie consacrée à Renée Claude, un pan de notre histoire culturelle récente. Car raconter cette grande interprète de la chanson, c’est évoquer les noms de Clémence Desrochers à Luc Plamondon, en passant par Mouffe, Michel Tremblay, Michel Robidoux, Stéphane Venne et plusieurs autres qui ont marqué notre patrimoine culturel.

En février 2019, on apprenait que Renée Claude souffrait de la terrible maladie d’Alzheimer. Aussitôt a germé, dans la tête de quelques artistes, dont le producteur Nicolas Lemieux et l’animatrice radio Monique Giroux, l’idée d’un spectacle-hommage à cette grande dame de la chanson. Ce spectacle aura lieu à la Maison symphoniqu­e, avec la participat­ion, entre autres, de Clémence Desrochers, Marie Denise Pelletier, Ariane Moffatt, Isabelle Boulay, Luce Dufault, Marie-Élaine Thibert, Kathleen Fortin.

Renée Claude (de son vrai nom de famille Bélanger), née dans le quartier ouvrier du Plateau-Mont-Royal en 1939, un peu avant le déclenchem­ent de la Seconde Guerre mondiale, est l’aînée d’une famille de six enfants. Sa mère, Cécile, plutôt extraverti­e, a toujours rêvé de devenir une artiste de la scène et sa fille Renée réalisera ce voeu à sa place. Sa mère l’inscrit, très jeune, à des cours de piano. Elle tient mordicus à ce que ses enfants aient une bonne éducation. Tous suivront des cours de diction et d’art dramatique au Conservato­ire Lassalle, où Cécile a étudié vingt-cinq ans auparavant. Renée fréquenter­a cet établissem­ent jusqu’à l’âge adulte.

À seize ans, Renée rêve de devenir artiste. Elle a assisté, à sept reprises, au spectacle que Gilbert Bécaud donne au Théâtre Saint-Denis, au printemps 1955. Aussi participe-t-elle à différents concours d’amateurs. À deux reprises, elle remporte la palme. Sa mère « se laisse alors convaincre que sa fille a peut-être du talent », raconte son frère Michel. Elle commencera ainsi à chanter dans des cabarets, en matinée, toujours accompagné­e de son père.

Renée Claude est ambitieuse et elle n’abandonne jamais en cours de route un projet qui lui tient à coeur. Elle sait qu’elle ne peut que compter que sur ses propres moyens. Elle a décidé de devenir chanteuse et elle va donc se constituer un répertoire de chansons à la mesure de ses goûts : Ferré, Brassens, Béart, Aznavour…

RAISON DE VIVRE

Sa carrière profession­nelle débutera après sa première audition à la télé de Radio-Canada. Dans la jeune vingtaine, elle chantera à quelques reprises à l’émission Chez Clémence, puis elle deviendra une habituée des studios de télévision et multiplier­a les entrevues dans des magazines culturels. Le public en redemande et son répertoire s’ouvre à d’autres créateurs. « La chanson populaire ne l’intéresse pas », nous dit son biographe. Pour Monique Giroux, elle fait partie de la « Sainte Trinité » des interprète­s de l’époque, aux côtés de Pauline Julien et Monique Leyrac. Pour Michel Tremblay, ces trois artistes « avaient une intelligen­ce du texte ». Pour François Dompierre, « ce sont elles qui ont le plus véhiculé la chanson québécoise à cette époque ».

Si on la voit presque toujours vêtue de cette petite robe noire, c’est, explique la chanteuse, « pour forcer les gens à écouter mes chansons ». Elle a fait sienne la phrase de Cocteau : « L’élégance cesse si on la remarque. » Au début des années 1960, elle est sur la scène de toutes les boîtes à chansons, aux côtés des Leclerc, Vigneault, Clémence, Gauthier, Lévesque, Ferland, Brousseau, Lelièvre, Létourneau et autres Tex Lecor.

Percer le mystère de cette fabuleuse interprète n’est pas chose facile. Mario Girard y réussit merveilleu­sement. On découvre une Renée Claude timide, fébrile, doutant toujours d’elle-même, mais décidée, parce que la chanson était sa raison de vivre.

Un magnifique voyage dans le temps et un hommage nécessaire à cette interprète qui nous a tant chantés et enchantés.

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RENÉE CLAUDE/ DONNE-MOI LE TEMPS Mario Girard Édition La Presse
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