Le Journal de Montreal - Weekend
« TOUT CE QUI EST EXCESSIF FAIT DU BIEN »
L’auteure et actrice Louise Bombardier, qui sera de la nouvelle saison d’Écrivain public, série diffusée cet hiver sur TV5 Monde, parle de Fellini, de La leçon de piano… et des films qui l’ont marquée.
Louise, quel est votre premier souvenir d’une salle de cinéma ?
Je suis allée très tard au cinéma parce que je viens d’un milieu très pauvre. J’étais donc adolescente, je devais avoir 14 ou 15 ans, et il s’agissait de if... ,un film anglais de Lindsay Anderson avec Malcolm McDowell sur une révolte dans un collège privé. Ce côté, compte tenu du fait que j’avais fréquenté un établissement privé, m’avait extrêmement marquée.
Est-ce grâce au cinéma que vous avez pris conscience de votre vocation ?
C’est compliqué. C’est venu un peu de l’extérieur, j’avais des amis qui faisaient du théâtre au collège. J’étais plus littéraire, mais je me suis fait entraîner. C’est la scène qui a été mon premier amour. Les mots. Après, ça s’est mélangé au niveau culturel. Comme j’ai eu la chance de « naître » dans les années 1960 et 1970, c’était vraiment la révolution à tous les niveaux. J’ai même vu L’Osstidcho à Sherbrooke ! Ces mouvements nous ont tous mis au monde. C’était une belle période à vivre ! […] En vieillissant, j’ai fait plus de visuel. Lorsque j’étais plus jeune, je n’avais pas de série, par exemple. J’avoue que j’aime bien travailler parce que je trouve qu’il n’y a pas assez de femmes de mon âge au cinéma… et les femmes se sont toutes fait retoucher.
Quel a été votre premier film marquant ?
Le plus marquant de ma vie au sens où l’on sort de la salle en se disant qu’on ne sera plus jamais la même est le Satyricon de Fellini. J’avais 15 ans, c’était une vision surréaliste du monde que je ne pouvais même pas imaginer. […] Tous mes horizons étaient ouverts, c’était comme d’avoir pris de la drogue avant d’en avoir pris.
Le film que tout le monde devrait avoir vu ?
Il y en a plusieurs, mais La leçon de
piano est, pour moi, le film parfait. Il est réussi à tous les niveaux, peut-être aussi parce qu’il s’agit d’un point de vue féminin sur l’érotisme, l’Eros dans la difficulté. Pour moi, c’est un chef-d’oeuvre.
Profitez-vous de l’isolement pour revoir des films qui vous ont marquée ?
C’est drôle, on dirait que je sors moins depuis quelques années. On dirait que je reviens à mes premières amours qui sont la lecture. C’est fou ! On dirait que je suis en période d’austérité, en deuil de ne pas voir de gens, de ne pas faire de scène. Pour les gens qui sont habitués à travailler en équipe, l’épidémie de COVID-19 est un gros deuil. […] Je devais participer à deux tournages qui ont été annulés, même chose pour une pièce à Québec. Tout a été annulé. […] On ne peut plus se réunir nulle part et je vous avoue que Zoom, ça a des limites. […] Parfois, quand le confinement m’angoisse, je pense à
Alexandre le bienheureux et je me dis de prendre le confinement comme une convalescence. On va tellement vite ! Je veux aussi parler des films qui sont hyper importants pour moi… Roma d’Alfonso Cuarón, tous les Espagnols et les Amores Perros …Cesontdes films que je reverrais actuellement et qui me feraient du bien. En fait, tout ce qui est excessif fait du bien dans un moment où on est retenu et où on a peur de tout.