Le Journal de Montreal - Weekend

Retour sur C.R.A.Z.Y. 15 ans après sa sortie

- MAXIME DEMERS

Il y a 15 ans, le film C.R.A.Z.Y. prenait l’affiche partout au Québec et remportait un succès instantané qui a permis au cinéaste, Jean-Marc Vallée, et à ses acteurs, Marc-André Grondin et Michel Côté, de faire le tour du monde pendant plusieurs mois. « On a surfé sur une maudite belle vague », se souvient le réalisateu­r en entrevue.

« On ne peut jamais s’attendre à connaître un succès comme ça. Mais quand ça arrive, tu en profites ! », lance en riant Jean-Marc Vallée.

« Ç’a commencé au Québec avec un succès au box-office. Puis tout à coup, on s’est retrouvé dans les festivals de Venise et de Toronto. Pendant un an, on a fait le tour du monde à faire la promotion de C.R.A.Z.Y. Après le Festival de Toronto, la machine hollywoodi­enne s’est mise sur mon cas. Le téléphone n’a pas dérougi. J’ai signé avec un agent à Hollywood et je me suis retrouvé à réaliser The Young Victoria peu de temps après. C.R.A.Z.Y. a été mon tremplin. Le tremplin qui m’a fait plonger dans la piscine hollywoodi­enne. »

Même si C.R.A.Z.Y. a officielle­ment vu le jour le 27 mai 2005 à sa sortie au Québec, l’idée du film remonte à une dizaine d’années auparavant. Jean-Marc Vallée, qui venait de tourner le thriller Liste noire, cherchait alors un projet qui lui permettrai­t, dit-il, de montrer aux gens qu’il aimait le cinéma. C’est en entendant le scénariste François Boulay raconter son histoire qu’il a eu un déclic.

« Tout cela a commencé dans un chalet devant un feu avec des verres de vin, relate François Boulay. J’étais avec JeanMarc et sa blonde de l’époque, Chantal Cadieux, qui est ma meilleure amie. Je racontais des passages de ma vie de petit gars qui a grandi dans les années 1970 dans une famille de cinq gars, et qui essayait de prendre sa place en sachant qu’il était différent des autres.

« Après cette fin de semaine là, JeanMarc m’a demandé de coucher sur papier ce que j’avais raconté pendant le week-end. Je l’ai pris au mot et quelques semaines plus tard, je suis allé déposer dans sa boîte aux lettres une enveloppe qui contenait une centaine de pages. C’était intitulé Souvenirs en vrac. JeanMarc m’a rappelé quelques heures plus tard pour me dire : tu m’as fait brailler, on va faire un film avec ça. Je pense que le moment qui l’a le plus bouleversé, c’est quand je lui ai dit que le jour où mon frère est mort, j’ai perdu un frère, mais j’ai gagné un père. Cette quête de l’amour du père est devenue le point culminant du film. »

DIX ANS DE TRAVAIL

Jean-Marc Vallée était loin de se douter à ce moment-là qu’il lui faudrait une dizaine d’années avant de pouvoir tourner ce film. « C.R.A.Z.Y., ç’a été sept ans d’écriture et trois ans pour trouver les bons partenaire­s et financer le film », résume le cinéaste, qui mène aujourd’hui une belle carrière à Hollywood (on lui doit notamment les films Dallas Buyers Club, Wild et la série Big Little Lies).

« Au début, on écrivait le scénario ensemble, François et moi. Mais à un moment donné, je lui ai dit : laisse-moi partir avec la puck, il faut que je me trouve et que je trouve le film là-dedans. J’ai commencé à mettre de ma famille dans l’histoire et de la musique rock. J’ai pris une partie du récit de sa vie et je l’ai transformé pour faire un film que j’allais pouvoir défendre, mais sans non plus briser la source première. Ça raconte quand même l’histoire de sa vie, mais les personnage­s ont changé. »

De l’aveu du producteur Pierre Even, personne ne s’attendait à ce que C.R.A.Z.Y. connaisse un tel succès. Le film a bénéficié d’une belle sortie en salles, mais la réponse du public a pris tout le monde par surprise :

« Je pense que même TVA Films (le distribute­ur) ne s’attendait pas à ça, relate Pierre Even. Ç’a commencé quand on a montré le film aux journalist­es. Ç’a été une explosion. Puis, à la première, au cinéma Impérial, le public s’est emparé du film. Avant la sortie de C.R.A.Z.Y., TVA Films espérait pouvoir amasser 1,5 M$ au box-office. Le film en a finalement récolté 6 ! »

UNE QUALITÉ MYSTIQUE

Selon Jean-Marc Vallée, l’histoire du film – le passage à l’âge adulte d’un jeune homosexuel montréalai­s (joué par Marc-André Grondin) dans les années 1970 – a trouvé écho chez les gens de sa génération qui ont grandi à cette époque, mais aussi chez les plus jeunes.

« Je pense que même si c’est une histoire très québécoise, il y a quelque chose du domaine de la fable qui a touché les gens », analyse le cinéaste.

« C’est aussi un film qui a, selon moi, une qualité mystique. J’ai découvert récemment un film d’animation français qui s’intitule J’ai perdu mon corps .Jel’ai vu dans un cinéma de Los Angeles, et quand je suis sorti de la salle, je ne comprenais pas pourquoi j’avais autant envie de pleurer. J’étais ému par la beauté et la poésie du film. C’est une oeuvre qui a quelque chose de mystique et de plus grand que nature. Avec le recul, je m’aperçois que c’est une qualité que je recherche dans tous les films que je fais. C’était le cas avec C.R.A.Z.Y., mais aussi avec Café de Flore, quelques années plus tard. Le cinéma permet cette magie-là. Je pense que le public aime sortir du réalisme et voir la vie plus grande que ce qu’elle est. »

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C.R.A.Z.Y. relate le passage à l’âge adulte d’un jeune homosexuel montréalai­s (joué par Marc-André Grondin) dans les années 1970. C.R.A.Z.Y.
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