Le Journal de Montreal - Weekend
LES SOUVENIRS DE TI-BULL
L’entrevue devait porter sur son nouvel album, mais très vite, après avoir raconté qu’il vivait son confinement dans le bois avec les chevreuils, à Lac-du-Cerf (près de Mont-Laurier), Claude Gauthier a senti le besoin de refaire les présentations.
À son âge, l’homme qui a créé le succès Marie-Noël avec son ami, Robert Charlebois, a encore l’humilité de croire que son interlocuteur ignore tout de lui.
« Donc, M. Gauthier, vous faites encore de la musique ? », lui balance-t-on, histoire de lancer la discussion.
« C’est ma vie, j’ai commencé très jeune à faire ce métier. En 1959, vous n’étiez pas vieux, vieux… », répond-il élégamment.
Puis, sans crier gare, le voilà au coeur d’une nomenclature de ses faits d’armes, comme s’il récitait sa page Wikipédia.
Loin d’être ennuyant ou futile, l’exercice est au contraire instructif et surtout amusant.
« J’avais quelques cordes à mon arc. J’ai pu faire un peu de cinéma, travailler dans des séries à la télé », dit-il, se remémorant notamment un rôle dans le téléroman Septième nord, avec Monique Miller et Jacques Godin, dans les années 1960.
LE JEU, POUR LES TEMPS DIFFICILES
Imaginez, il a joué dans Les Ordres, un classique parmi les classiques du cinéma québécois. Le genre de choses que les gens ne savent pas toujours à son sujet, note M. Gauthier.
« J’ai fait plusieurs films avec Michel Brault, avec Geneviève Bujold à ses débuts. Ça m’a tenu dans le métier, si je peux me permettre de dire le mot avec le grand M, parce que quand on ne vous voit plus à la télé, on pense que vous êtes morts. »
« Quand j’avais des temps plus difficiles en chanson, poursuit-il, j’avais toujours quelque chose de ce côté-là. »
En ressassant ses souvenirs, il laisse au passage échapper le surnom qui le suit depuis la nuit des temps : Ti-Bull.
Il éclate de rire quand on lui demande des explications sur son origine.
« J’avais l’air d’un petit boxeur pas agressif sur la scène. C’est Robert Charlebois qui m’avait baptisé Ti-Bull. B-U-L-L. Un petit taureau. À chaque fois qu’il m’appelle, il demande : “Pis, Ti-Bull, comment ça va ?”. C’est ineffaçable, indélébile », s’amuse M. Gauthier.
UNE RÉACTION QUI N’A PAS DE PRIX
Sautant du coq à l’âne, il ressasse la fois où Charlebois l’avait invité à chanter pour des enfants malades. Charlebois appelle, Gauthier décroche le téléphone. « C’est un truc pour Sainte-Justine, je crois. Ça ne paye pas, mais on va leur chanter Marie-Noël », explique le premier au second.
Claude Gauthier ne s’était pas fait prier. « J’ai dit : attends-moi, j’arrive. Robert s’est mis au piano, on a commencé à chanter Marie-Noël, Marie-Noël et on entendait les enfants qui connaissaient la chanson et chantaient avec nous. C’était magique. Ça, c’est plus qu’une paye. Ça n’a pas de prix. »