Le Journal de Montreal - Weekend
TOURNAGES À DEUX VITESSES
Depuis plusieurs années, Patrick Labbé travaille aussi bien en français qu’en anglais. En 2020, son nom apparaît aux génériques de District 31 à Radio-Canada et Transplant àCTV.Le comédien de 49 ans apprécie sa chance et aime son métier, mais plus il passe d’une langue à l’autre et d’un plateau à l’autre, plus les inégalités qui subsistent entre les deux milieux lui sautent aux yeux. « C’est frustrant par moments. »
En entrevue au Journal, l’acteur et père de six enfants décrie la « répartition inégale de l’argent » entre les séries francophones et anglophones. Et quand on jette un oeil aux cotes d’écoute des exemples qu’il soulève, on comprend son mécontentement. L’hiver dernier, District 31 attirait en moyenne 1 800 000 téléspectateurs ; Transplant, un drame médical mettant en vedette Hamza Haq et Laurence Leboeuf, en rejoint présentement 1 350 000. Labbé y tient le rôle du chef du département de psychologie.
« Tu produis une émission comme District avec 125 000 $ par demi-heure, alors que pour Transplant, t’en as 2 millions $ par heure. C’est quoi la logique là-dedans ? » demande le comédien.
« Beaucoup de projets en anglais sont tournés à Montréal. C’est toujours fascinant de voir à quel point ils sont deux fois plus équipés. Un jour, tu travailles en français dans des conditions borderline correctes, pis 24 heures après, tu travailles en anglais avec 25 cascadeurs, 48 chars et 3 heures de préparation. Des fois, pour tourner le même genre de scène ! »
DU BONBON
Transplant n’est pas l’unique série canadienne-anglaise dans laquelle Patrick Labbé a joué au cours des dernières années. On peut également mentionner deux offrandes du réseau CBC, The Detectives et Street Legal. Cette dernière est d’ailleurs présentée en version française (Avocats de la rue) sur AddikTV depuis une semaine. Labbé y campe un ex-avocat reconverti en détective privé après avoir été radié du Barreau pour des problèmes de consommation.
En discutant avec l’acteur, on comprend qu’il a beaucoup aimé tourner dans cette suite d’un énorme succès télévisuel des années 1990 au Canada anglais.
« C’était du bonbon ! s’exclame-t-il. On avait deux, trois, quatre fois plus de temps pour faire une scène. Ça nous permettait, comme interprètes, d’aller chercher des choses qu’on n’a juste pas le temps de trouver en temps normal. Sur District, on a 15-20 minutes pour tourner une scène, peu importe laquelle. Pour une scène de bureau, avec deux personnages, c’est correct. Mais quand t’as huit personnages, c’est une autre paire de manches. En anglais, ça m’est déjà arrivé d’avoir huit heures pour faire trois quarts de page ! En huit heures sur District, on peut faire 20 pages !
« Travailler en anglais, c’est comme s’en aller au Club Med. C’est comme gagner le jackpot. Tout est inclus, tout est chill, tout est relax. »
Habitué au rythme effréné des plateaux francophones, Patrick Labbé avoue avoir été déstabilisé à quelques reprises durant des tournages en anglais.
«Sur District, je suis comme un poisson dans l’eau. Je suis dans ma zone de confort. J’ai mon beat .Sur Street Legal, j’étais tout perdu au début ! Quand t’as autant de temps, tu peux finir par t’emmerder et trouver le temps long ! Tu donnes ta réplique, pis après, c’est comme : “Bon... Est-ce qu’on peut passer à autre chose ?” On est tellement conditionné à aller vite, c’est un réflexe normal ! »
UN DÉFI
Malgré des « conditions de rêve », tourner en anglais comporte néanmoins son lot de défis, souligne Patrick Labbé. Notamment au niveau du langage. Alors que dans Transplant, il doit maîtriser le jargon médical, dans Street Legal ,ce sont les termes juridiques qu’il devait dompter.
« C’était intéressant de patauger dans cet univers légal. Pour moi, le but, c’est d’être aussi fluide qu’un vrai anglophone qui prononce ces mots 100 fois par jour. »
Patrick Labbé continuera de mener une carrière dans les deux langues. Alors que CBC a retiré Street Legal des ondes après six épisodes, faute de cotes d’écoute, CTV devrait renouveler Transplant. Ne reste plus qu’à attendre la reprise des tournages.
AddikTV présente Avocats de la rue les jeudis à 20 h.
Transplant est diffusé sur CTV les mercredis à 21 h. En version française sur VRAK à 22 h. La première saison est offerte sur Crave.