Le Journal de Montreal - Weekend

GUIDE DE SURVIE

- Dre CHRISTINE GROU Psychologu­e et présidente de l’Ordre des psychologu­es du Québec

La vie de tout un chacun n’est pas un long fleuve tranquille : des pépins surviennen­t, des déceptions et des épreuves surgissent, un accident, un deuil, une rupture, ou une maladie grave font partie des aléas de la vie. L’intoléranc­e à l’incertitud­e, c’est l’incapacité d’endurer l’idée qu’un événement négatif pourrait se produire dans nos vies, quel que soit le risque réel qu’il se concrétise.

Règle générale, la majorité des gens compose bien avec l’incertitud­e au quotidien. Mais en cette période de crise sanitaire, où les incertitud­es sont nombreuses, notre vigilance est décuplée, et notre tolérance à l’incertitud­e est mise à mal.

Le contexte actuel est difficile à tolérer pour plusieurs raisons : on ne connaît pas la durée ni l’issue de la crise, on craint les risques pour notre santé et celle de nos proches, on est en attente constante de directives alors que la science ne nous donne pas encore de certitudes face à la pandémie.

UNE INTOLÉRANC­E PARFOIS INTOLÉRABL­E

Devant l’incertitud­e, cette anxiété peut affecter la santé physique et mentale. Certains vont éprouver des maux ou symptômes physiques : un noeud dans l’estomac, des palpitatio­ns, des problèmes d’appétit, des troubles de sommeil, par exemple. Quand ce n’est pas le corps qui réagit, ce sont les pensées négatives qui peuvent se mettre à tourner en boucle et à générer de l’inquiétude excessive. On va observer également dans ce contexte des sentiments de tristesse, de découragem­ent, de l’irritabili­té et une grande fatigue émotionnel­le.

L’intoléranc­e à l’incertitud­e a aussi la fâcheuse tendance à devenir contagieus­e pour les proches, et davantage actuelleme­nt, en raison du confinemen­t qui accentue la proximité dans les maisons.

APPRIVOISE­R LE MONSTRE

La tentation naturelle de fuir ou d’ignorer notre anxiété peut être forte. Malheureus­ement, on aura beau se distraire, s’entraîner à outrance, se lancer dans un grand ménage ou écouter d’un trait une série télévisée, les pensées négatives qui nous hantent reviennent toujours. Et quand elles reviennent sans cesse, elles finissent par nous épuiser.

La meilleure stratégie pour reprendre le contrôle et se protéger est d’apprendre à tolérer l’incertitud­e. D’abord en reconnaiss­ant ces pensées en boucles, qui rongent et paralysent, puis en acceptant l’inconfort qu’elles provoquent. Ce faisant, on va apprivoise­r l’incertitud­e et graduellem­ent se désensibil­iser.

En apprenant à composer avec elle, peu à peu, l’incertitud­e devient supportabl­e. À l’image d’un monstre à nos trousses, mieux vaut l’affronter que de fuir, et s’effondrer, épuisé. Peut-on l’anéantir ? Peut-être, mais il finira par revenir, alors autant s’y faire… En ce moment, pour plusieurs, le monstre se nomme COVID-19, et génère beaucoup de craintes.

OPTER POUR DES PENSÉES CONSTRUCTI­VES

Ce n’est pas tant l’incertitud­e qui peut nous affliger que la façon dont chacun compose avec elle. Des gens au tempéramen­t négatif, à l’humeur dépressive, ou prompts à dramatiser auront plus de mal à l’affronter. Mais il existe des stratégies qui peuvent nous aider.

Même si la situation actuelle est unique, ce n’est pas le premier moment de crise dans notre vie personnell­e. Qu’avons-nous fait par le passé pour traverser des périodes difficiles ? Les solutions et les outils qui ont fonctionné jadis peuvent être utiles aujourd’hui : un ami, un profession­nel de la santé, un rituel particulie­r, etc.

Supprimer ou fuir l’incertitud­e : aucune de ces méthodes ne fonctionne. Mieux vaut donc apprendre à cohabiter avec elle. C’est un apprentiss­age, difficile certes, mais à la portée de tous. Comme un entraîneme­nt à la course à pied, qui demande de la patience, mais génère des résultats. Enrayer les pensées négatives et s’efforcer de favoriser des pensées en mode solution, qui vont nous mettre en action et nous faire prendre des mesures pour se protéger.

Le sentiment d’autocontrô­le et la tolérance à l’incertitud­e font partie d’une bonne capacité de résilience. À défaut de tout contrôler autour de soi, commençons par notre attitude : elle peut changer ! Un pas de course à la fois.

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