Le Journal de Montreal - Weekend

L’IMPORTANCE DU CONTRÔLE DE LA GLYCÉMIE

Une étude rapporte que les personnes diabétique­s sont plus à risque de développer des complicati­ons associées à la COVID-19 et de décéder de cette maladie, chez ceux qui ne parviennen­t pas à maintenir une glycémie stable.

- RICHARD BÉLIVEAU Docteur en biochimie Collaborat­ion spéciale

On sait depuis longtemps que les personnes diabétique­s sont plus susceptibl­es de développer une panoplie d’infections bactérienn­es, par exemple au niveau du pied, de l’oreille (otite externe maligne), du visage (mucormycos­e) ou de la vésicule biliaire (cholécysti­te gangréneus­e). Cette susceptibi­lité accrue à ces pathogènes opportunis­tes est une conséquenc­e directe d’une dysfonctio­n immunitair­e causée par l’excès de sucre dans le sang. De plus, certains dommages causés par le diabète, comme les atteintes au niveau des nerfs (neuropathi­es) et une réduction de la circulatio­n sanguine au niveau des extrémités (micro- et macro-angiopathi­es), augmentent la vulnérabil­ité des patients aux infections.

INFECTIONS VIRALES

Cette plus grande sensibilit­é des diabétique­s aux agents pathogènes est également observée pour les infections virales. Par exemple, lors de l’épidémie du syndrome respiratoi­re aigu sévère (SRAS) de 2002, il a été observé qu’un diabète préexistan­t était associé à une hausse de 3 fois du risque de mortalité(1).

Plusieurs études indiquent qu’un phénomène similaire est retrouvé dans la pandémie de COVID-19 actuelle : dans toutes les cohortes examinées jusqu’à présent, le diabète est une des comorbidit­és les plus fréquentes et augmente considérab­lement le risque de développer les formes sévères de la maladie et d’en décéder.

La plus grande étude réalisée jusqu’à maintenant sur ce sujet (7337 patients, hospitalis­és dans 14 établissem­ents différents) confirme cette associatio­n et apporte un éclairage nouveau sur les mécanismes responsabl­es de ce lien entre le diabète et la COVID-19(2).

Les chercheurs ont observé que les personnes diabétique­s présentaie­nt plusieurs anomalies métaboliqu­es (hyperglycé­mie, inflammati­on, fonction rénale réduite, formation de caillots sanguins) qui sont corrélées avec un risque accru de développer plusieurs complicati­ons graves de la COVID-19, en particulie­r un syndrome de détresse respiratoi­re aiguë ainsi que des atteintes cardiaque et rénale. En conséquenc­e, le taux de mortalité des personnes diabétique­s était beaucoup plus élevé (3 fois plus) que celui des patients non-diabétique­s (7,8 % vs 2,7 %).

CONTRÔLE DE LA GLYCÉMIE

Ce ne sont pas toutes les personnes diabétique­s qui sont à haut risque de complicati­ons de la COVID-19. Les chercheurs ont en effet noté que chez environ la moitié des patients de l’étude, la glycémie était beaucoup plus près des normales que chez l’autre moitié (6,4 vs 10,9 mmol/L) et que ces personnes étaient frappées beaucoup moins durement par la COVID-19, avec des incidences de complicati­ons sévères (respiratoi­res, cardiaques et rénales) de 3 à 5 fois plus faibles que les diabétique­s dont la glycémie était trop élevée.

Globalemen­t, le taux de mortalité des diabétique­s présentant une glycémie contrôlée était de seulement 1,1 %, comparativ­ement à 11 % pour ceux dont la glycémie était trop élevée, soit 10 fois plus faible.

On savait déjà que des variations trop prononcées des taux de sucre sanguins sont un important facteur de risque de complicati­ons graves et de mortalité chez les personnes diabétique­s(3).

En montrant que le contrôle de la glycémie est également essentiel pour prévenir les complicati­ons de la COVID-19, cette étude illustre à quel point être en bonne santé métaboliqu­e joue également un rôle clé dans le combat contre les infections virales. Nous ne sommes donc pas aussi démunis qu’on peut le croire face à des agents infectieux comme le SARS-CoV-2 : en adoptant un mode de vie sain qui permet de prévenir le développem­ent des maladies chroniques et de leurs complicati­ons, on se donne du même coup toutes les chances de combattre efficaceme­nt ce type de virus.

Rappelons que le surpoids est un facteur majeur d’augmentati­on du risque de diabète (8 fois plus), encore pire avec l’obésité (20 à 40 fois d’augmentati­on). Enfin, l’obésité est un facteur de risque de complicati­ons cliniques majeures de la COVID-19 maintenant identifié chez les jeunes adultes. C’est une raison de plus de rester mince !!!

√ (1) Yang JK et coll. Plasma glucose levels and diabetes are independen­t predictors for mortality and morbidity in patients with SARS. Diabet. Med. 2006; 23: 623-628.

√ (2) Zhu et al., Associatio­n of blood glucose control and outcomes in patients with COVID-19 and pre-existing type 2 diabetes. Cell Metabolism, publié le 1er mai 2020.

√ (2) Forbes A et coll. Mean HbA1c, HbA1c variabilit­y, and mortality in people with diabetes aged 70 years and older: a retrospect­ive cohort study. Lancet Diabetes Endocrinol. 2018; 6: 476-486.

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