Le Journal de Montreal - Weekend
UNE BONNE RÉPONSE IMMUNITAIRE AU CORONAVIRUS
Plusieurs articles récents rapportent que la réponse immunitaire au coronavirus responsable de la COVID-19 est très bonne et qu’on peut donc être optimiste quant aux chances de développer une résistance à la maladie de façon naturelle ou par la vaccination.
Le système immunitaire joue un rôle essentiel pour nous protéger des innombrables agents pathogènes présents dans le monde dans lequel nous vivons. Il ne faut donc pas se surprendre que la grande majorité des infections virales induisent le développement d’une immunité protectrice(1).
L’efficacité et la durabilité de cette réponse immunitaire peuvent cependant varier sensiblement d’un virus à l’autre, et pour connaître le degré de protection face à un nouveau virus (comme c’est le cas avec le coronavirus SARS-Cov-2 actuel), il faut donc déterminer dans quelle mesure l’agent viral peut activer différents paramètres de la réponse immunitaire.
ANTICORPS PROTECTEURS
Le premier paramètre important est bien entendu la production d’anticorps. Ces protéines de défense produites par les lymphocytes B permettent de combattre l’infection en se fixant spécifiquement sur certaines régions (épitopes) du virus pour l’empêcher de pénétrer dans les cellules et de s’y reproduire.
Les données recueillies jusqu’à présent chez les patients qui ont survécu à la COVID-19 indiquent que l’infection a effectivement entraîné la production d’anticorps neutralisants et que ceux-ci empêchent l’entrée du virus en bloquant son interaction avec le récepteur ACE2. La réactivité de certains de ces anticorps est excellente et plusieurs équipes s’efforcent présentement de les produire en grande quantité pour traiter les personnes infectées(2). Il semble aussi que ces anticorps sont produits même lorsque l’infection est bénigne et ne provoque pas de symptômes majeurs : une étude réalisée par l’Institut Pasteur auprès de 160 personnes travaillant en milieu hospitalier et ayant présenté des symptômes bénins de la COVID-19 a montré la présence d’anticorps chez la quasi-totalité (99 %) de ces personnes(3). Ces anticorps sont également capables de neutraliser le virus, ce qui suggère qu’ils peuvent protéger les patients d’une autre infection future si cette réponse immunitaire est soutenue.
Cette durée de réponse n’est pas encore connue, mais les résultats obtenus chez les primates non humains (macaques rhésus) sont prometteurs. On a observé que l’infection des singes par le SARS-Cov-2 provoquait une forte réponse immunitaire, caractérisée par la présence de plusieurs anticorps neutralisants. Après être parvenus à éliminer le virus et à guérir de la maladie (pneumonie virale), les singes réexposés au virus quelques semaines plus tard ont montré une forte résistance à l’infection, indiquant que les anticorps générés lors de l’infection initiale étaient toujours performants(4).
LYMPHOCYTES T EN RENFORT
On parle beaucoup d’anticorps, mais une autre classe de lymphocytes, les lymphocytes T CD4 (auxiliaires) et CD8 (tueurs), est aussi absolument essentielle pour l’établissement d’une mémoire immunitaire à long terme. Ces cellules ont plusieurs fonctions, l’une d’entre elles étant d’aider les clones de lymphocytes B producteurs d’anticorps à s’établir de façon durable pour pouvoir être rapidement réactivés en cas d’infection future par le même agent infectieux. Le degré d’activation des lymphocytes T détermine donc en grande partie si la réponse immunitaire face à un virus pourra se maintenir dans le temps.
La bonne nouvelle est qu’il semble que cela soit le cas pour le coronavirus actuel : des chercheurs américains ont montré que les personnes qui avaient été touchées par la COVID-19 produisaient des lymphocytes CD4 reconnaissant la protéine présente dans les pics externes du SARS-CoV-2, indiquant une réponse immunitaire adéquate face au virus(5). Cette activation des lymphocytes T augure très bien pour la production d’un vaccin contre la COVID-19, car ces cellules accélèrent fortement la production d’anticorps indispensables à l’efficacité de la vaccination.
Les chercheurs ont également observé que de 30 % à 50 % de la population qui n’a pas été infectée par le SARS-CoV-2 produisent malgré tout des lymphocytes T contre le virus. Cette réponse immunitaire croisée serait probablement due à des infections antérieures par d’autres coronavirus, notamment ceux responsables du rhume bénin, étant donné que ces virus possèdent certaines protéines similaires au coronavirus actuel. Il semblerait donc qu’une portion significative de la population peut combattre le SARS-CoV-2 grâce à cette immunité résiduelle provenant de rhumes antérieurs : même sans anticorps, les lymphocytes T tueurs éliminent les cellules infectées et peuvent donc enrayer l’infection.
Globalement, il semble donc que la réponse immunitaire au coronavirus est rapide, robuste et implique l’ensemble des systèmes cellulaires nécessaires à l’obtention d’une immunité optimale. Il y a donc lieu d’être optimiste sur le développement d’une immunité naturelle à long terme contre ce virus et, par le fait même, sur le potentiel de développer un vaccin effectif contre la COVID-19.
√ (1) Sallusto F et coll. From vaccines to memory and back. Immunity 2010; 33: 451-463.
√ (2) Wu Y et coll. A noncompeting pair of human neutralizing antibodies block COVID-19 virus binding to its receptor ACE2. Science, publié le 13 mai 2020.
√ (3) Fafi-Kremer S et coll. Serologic responses to SARS-CoV-2 infection among hospital staff with mild disease in eastern France. medRxiv, publié le 22 mai 2020.
√ (4) Chandrashekar A et coll. SARSCoV-2 infection protects against rechallenge in rhesus macaques.
Science, publié le 20 mai 2020.
√ (5) Grifoni A et coll. Targets of T cell responses to SARS-CoV-2 coronavirus in humans with COVID-19 disease and unexposed individuals.
Cell, publié le 20 mai 2020.