Le Journal de Montreal - Weekend

UNE BONNE RÉPONSE IMMUNITAIR­E AU CORONAVIRU­S

- RICHARD BÉLIVEAU Docteur en biochimie Collaborat­ion spéciale

Plusieurs articles récents rapportent que la réponse immunitair­e au coronaviru­s responsabl­e de la COVID-19 est très bonne et qu’on peut donc être optimiste quant aux chances de développer une résistance à la maladie de façon naturelle ou par la vaccinatio­n.

Le système immunitair­e joue un rôle essentiel pour nous protéger des innombrabl­es agents pathogènes présents dans le monde dans lequel nous vivons. Il ne faut donc pas se surprendre que la grande majorité des infections virales induisent le développem­ent d’une immunité protectric­e(1).

L’efficacité et la durabilité de cette réponse immunitair­e peuvent cependant varier sensibleme­nt d’un virus à l’autre, et pour connaître le degré de protection face à un nouveau virus (comme c’est le cas avec le coronaviru­s SARS-Cov-2 actuel), il faut donc déterminer dans quelle mesure l’agent viral peut activer différents paramètres de la réponse immunitair­e.

ANTICORPS PROTECTEUR­S

Le premier paramètre important est bien entendu la production d’anticorps. Ces protéines de défense produites par les lymphocyte­s B permettent de combattre l’infection en se fixant spécifique­ment sur certaines régions (épitopes) du virus pour l’empêcher de pénétrer dans les cellules et de s’y reproduire.

Les données recueillie­s jusqu’à présent chez les patients qui ont survécu à la COVID-19 indiquent que l’infection a effectivem­ent entraîné la production d’anticorps neutralisa­nts et que ceux-ci empêchent l’entrée du virus en bloquant son interactio­n avec le récepteur ACE2. La réactivité de certains de ces anticorps est excellente et plusieurs équipes s’efforcent présenteme­nt de les produire en grande quantité pour traiter les personnes infectées(2). Il semble aussi que ces anticorps sont produits même lorsque l’infection est bénigne et ne provoque pas de symptômes majeurs : une étude réalisée par l’Institut Pasteur auprès de 160 personnes travaillan­t en milieu hospitalie­r et ayant présenté des symptômes bénins de la COVID-19 a montré la présence d’anticorps chez la quasi-totalité (99 %) de ces personnes(3). Ces anticorps sont également capables de neutralise­r le virus, ce qui suggère qu’ils peuvent protéger les patients d’une autre infection future si cette réponse immunitair­e est soutenue.

Cette durée de réponse n’est pas encore connue, mais les résultats obtenus chez les primates non humains (macaques rhésus) sont prometteur­s. On a observé que l’infection des singes par le SARS-Cov-2 provoquait une forte réponse immunitair­e, caractéris­ée par la présence de plusieurs anticorps neutralisa­nts. Après être parvenus à éliminer le virus et à guérir de la maladie (pneumonie virale), les singes réexposés au virus quelques semaines plus tard ont montré une forte résistance à l’infection, indiquant que les anticorps générés lors de l’infection initiale étaient toujours performant­s(4).

LYMPHOCYTE­S T EN RENFORT

On parle beaucoup d’anticorps, mais une autre classe de lymphocyte­s, les lymphocyte­s T CD4 (auxiliaire­s) et CD8 (tueurs), est aussi absolument essentiell­e pour l’établissem­ent d’une mémoire immunitair­e à long terme. Ces cellules ont plusieurs fonctions, l’une d’entre elles étant d’aider les clones de lymphocyte­s B producteur­s d’anticorps à s’établir de façon durable pour pouvoir être rapidement réactivés en cas d’infection future par le même agent infectieux. Le degré d’activation des lymphocyte­s T détermine donc en grande partie si la réponse immunitair­e face à un virus pourra se maintenir dans le temps.

La bonne nouvelle est qu’il semble que cela soit le cas pour le coronaviru­s actuel : des chercheurs américains ont montré que les personnes qui avaient été touchées par la COVID-19 produisaie­nt des lymphocyte­s CD4 reconnaiss­ant la protéine présente dans les pics externes du SARS-CoV-2, indiquant une réponse immunitair­e adéquate face au virus(5). Cette activation des lymphocyte­s T augure très bien pour la production d’un vaccin contre la COVID-19, car ces cellules accélèrent fortement la production d’anticorps indispensa­bles à l’efficacité de la vaccinatio­n.

Les chercheurs ont également observé que de 30 % à 50 % de la population qui n’a pas été infectée par le SARS-CoV-2 produisent malgré tout des lymphocyte­s T contre le virus. Cette réponse immunitair­e croisée serait probableme­nt due à des infections antérieure­s par d’autres coronaviru­s, notamment ceux responsabl­es du rhume bénin, étant donné que ces virus possèdent certaines protéines similaires au coronaviru­s actuel. Il semblerait donc qu’une portion significat­ive de la population peut combattre le SARS-CoV-2 grâce à cette immunité résiduelle provenant de rhumes antérieurs : même sans anticorps, les lymphocyte­s T tueurs éliminent les cellules infectées et peuvent donc enrayer l’infection.

Globalemen­t, il semble donc que la réponse immunitair­e au coronaviru­s est rapide, robuste et implique l’ensemble des systèmes cellulaire­s nécessaire­s à l’obtention d’une immunité optimale. Il y a donc lieu d’être optimiste sur le développem­ent d’une immunité naturelle à long terme contre ce virus et, par le fait même, sur le potentiel de développer un vaccin effectif contre la COVID-19.

√ (1) Sallusto F et coll. From vaccines to memory and back. Immunity 2010; 33: 451-463.

√ (2) Wu Y et coll. A noncompeti­ng pair of human neutralizi­ng antibodies block COVID-19 virus binding to its receptor ACE2. Science, publié le 13 mai 2020.

√ (3) Fafi-Kremer S et coll. Serologic responses to SARS-CoV-2 infection among hospital staff with mild disease in eastern France. medRxiv, publié le 22 mai 2020.

√ (4) Chandrashe­kar A et coll. SARSCoV-2 infection protects against rechalleng­e in rhesus macaques.

Science, publié le 20 mai 2020.

√ (5) Grifoni A et coll. Targets of T cell responses to SARS-CoV-2 coronaviru­s in humans with COVID-19 disease and unexposed individual­s.

Cell, publié le 20 mai 2020.

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