Le Journal de Montreal - Weekend
QUI SERA LA REINE DU NORD?
En forçant la fermeture des bars et des salles de spectacles, la pandémie de COVID-19 a durement touché les drag queens québécoises. L’arrivée du mois de juillet pourrait leur redonner une raison de sourire puisqu’elles verront deux représentantes du fleurdelisé participer à Canada’s Drag Race : Que la meilleure gagne, l’adaptation canadienne de RuPaul’s Drag Race.
En entrevue téléphonique au Journal, Rita Baga, 33 ans, et Kiara, 21 ans, surveillent leurs paroles de près quand elles parlent du concours, qui démarre jeudi sur Crave. Elles savent qu’un épais nuage de mystère entoure sa production. Elles veulent également éviter de révéler le moindre détail qui pourrait divulgâcher cette première saison.
Ce qu’on sait, c’est qu’elles ont enregistré les épisodes l’automne dernier à Toronto. La façon dont elles racontent leur première journée en studio relève de l’expérience religieuse.
« RuPaul’s Drag Race, c’est comme le hockey des queers, indique Rita Baga, alias Jean-François Guevremont. C’est une activité sociale. Les soirées de visionnement, les bars sont pleins. Ça rassemble les gens. Donc de fouler le plateau, d’être dans le décor, c’est comme réaliser un rêve. »
« C’est vraiment quelque chose de particulier, ajoute Kiara, alias Dimitri. C’est comme marcher dans ta télé! »
OUVRIR DES PORTES
Née aux États-Unis en 2009 sur LogoTV, RuPaul’s Drag Race a pris quelques années avant d’atteindre le statut de phénomène culturel. Sacrée Meilleure compétition aux Emmy Awards en 2018 et 2019, cette colorée téléréalité connaît un succès mondial.
Aux yeux des participantes, RuPaul’s Drag Race a largement contribué à démystifier l’univers des drag queens.
« L’émission a permis au grand public de mieux connaître cette forme d’art, la préparation derrière, indique Rita Baga, qui compte 13 années d’expérience. Ça nous a aussi ouvert énormément de portes. Ça fait en sorte qu’aujourd’hui, on peut travailler dans beaucoup plus d’endroits. On n’est plus limitées aux bars. »
« À cause de l’émission, plusieurs gais se sentent moins seuls, signale Kiara. Parce qu’ils voient d’autres gais raconter leurs parcours, raconter leur coming out, raconter des expériences assez intenses. Ça brise l’isolement. Ça leur montre aussi qu’on peut devenir ce qu’on veut. »
UNE CHANCE EN OR
Le Canada obtient sa version de RuPaul’s Drag Race après l’Angleterre. D’après les premières images mises en ligne au début du mois, les téléspectateurs peuvent s’attendre à plusieurs clins d’oeil au « pays du nord ». Le panel de juges est d’ailleurs composé de trois Canadiens : Brooke Lynn Hytes, une ex-candidate de RuPaul’s Drag Race, Jeffrey Bowyer-Chapman, un acteur d’Edmonton, et Stacey McKenzie, une mannequin de Toronto.
Pour Kiara, Canada’s Drag Race représente une chance inespérée de propulser sa carrière de drag queen au niveau supérieur, puisque l’émission sera également diffusée aux ÉtatsUnis sur WOW Presents Plus, ainsi qu’au Royaume-Uni sur BBC Three. La concurrente a obtenu son laissez-passer l’automne dernier au terme d’un long processus d’audition duquel sont ressorties 12 heureuses élues.
« C’est beaucoup de visibilité, déclare la ressortissante de Québec, déménagée à Montréal en 2017 pour poursuivre des études en cinéma. Ça peut changer ma vie. »
ENTRE COMPÉTITION ET SOLIDARITÉ
La bande-annonce de Canada’s Drag Race a beau mettre l’emphase sur l’esprit de compétition qui règne entre les concurrentes (après tout, 100 000 $ sont en jeu), elle recèle également quelques jolis exemples de solidarité.
« Les drags de Montréal, c’est une communauté très soudée, souligne Rita Baga. On organise nos propres galas, on s’entraide… Quand j’ai appris que Kiara était à Canada’s Drag Race, j’étais très heureux. Je savais que j’allais avoir quelqu’un à qui parler en français. »
« Rita Baga et moi, on a des styles différents, des forces différentes, note Kiara. Je n’étais pas intimidée et elle n’était pas intimidée. Je voulais qu’on se rende le plus loin possible ensemble. »
LA LUMIÈRE
Canada’s Drag Race émerge au terme d’une période difficile pour l’ensemble des drag queens.
Alors qu’on déconfine lentement le Québec, elles commencent à voir la lumière au bout du tunnel.
« Il a fallu être assez créatifs, raconte Rita Baga. On s’est tourné du côté virtuel, en donnant des spectacles sur Facebook. Mais j’ai plusieurs collègues qui sont en arrêt forcé, qui n’ont pas remis leurs talons depuis trois mois. »
« J’ai hâte de remonter sur scène, poursuit-elle. Faire un lip-sync dans ton salon devant ton divan avec juste ton chat comme public, ce n’est pas le même feeling qu’être devant 300 personnes. »
Canada’s Drag Race : Que la meilleure gagne atterrit sur Crave (et OUTtv) jeudi, en anglais. Également offert avec sous-titres en français, au rythme d’un épisode par semaine.