Le Journal de Montreal - Weekend

Des propriétés anti-inflammato­ires

Une étude clinique rapporte que l’ajout d’épices réduit l’inflammati­on associée à un repas riche en calories.

- RICHARD BÉLIVEAU Docteur en biochimie Collaborat­ion spéciale

La pandémie de COVID-19 nous a fait prendre conscience des dangers de l’inflammati­on.

Plusieurs études ont en effet montré que les formes sévères de la maladie étaient causées par la présence d’un excès de molécules inflammato­ires (cytokines) qui crée un stress oxydatif intense qui endommage les vaisseaux sanguins et plusieurs organes essentiels à la vie (coeur, poumon, rein, cerveau).

INFLAMMATI­ON CHRONIQUE

Une autre forme d’inflammati­on moins spectacula­ire et dont on parle peu est l’inflammati­on chronique de faible intensité.

Plus insidieuse que l’inflammati­on aiguë, car elle ne provoque pas de douleur ou de symptômes apparents, ce type d’inflammati­on peut néanmoins causer des dommages à plus long terme en créant un déséquilib­re qui accélère le développem­ent de plusieurs maladies chroniques comme les maladies cardiovasc­ulaires, le diabète de type 2 et plusieurs types de cancers.

En plus de certains agresseurs toxiques bien documentés (fumée de cigarette, par exemple), plusieurs aspects du mode de vie peuvent aussi générer des conditions d’inflammati­on chronique qui vont hausser le risque de maladies chroniques.

Un des plus dommageabl­es est l’obésité : lorsque les adipocytes accumulent une quantité excessive de gras, le stress qui est imposé à ces cellules entraîne la création d’un climat d’inflammati­on chronique de faible intensité, invisible et indétectab­le, mais qui agit comme un véritable aimant pour les cellules inflammato­ires du système immunitair­e, en particulie­r les macrophage­s.

Les personnes obèses mangent aussi beaucoup et la surcharge calorique lors d’un repas peut elle aussi influencer le degré d’inflammati­on chronique .

Suite à un repas trop riche, la quantité de sucre et de gras absorbée excède la capacité de notre métabolism­e à transforme­r les calories en énergie chimique (ATP) de sorte que l’excès d’électrons générés par l’oxydation des nutriments cause un stress oxydatif qui active les processus inflammato­ires (1).

NEUTRALISA­TION PAR LES ÉPICES

Les résultats d’une étude clinique randomisée récente suggèrent que l’addition d’épices pourrait atténuer cet effet inflammato­ire associé à un repas riche en calories (2).

Les chercheurs ont invité des volontaire­s présentant un excès de poids (IMC entre 25 et 35), un tour de taille élevé (≥ 94 cm) et au moins un facteur de risque de maladie cardiovasc­ulaire à manger un ou l’autre des trois repas suivants : 1) un repas riche en gras saturés et en glucides (1000 kCal), comprenant un curry de poulet au lait de coco, un muffin de mais et un biscuit ; 2) le même repas mais contenant 2 g d’un mélange d’épices et 3) le même repas, mais contenant 6 g du mélange d’épices. Les épices utilisées étaient un mélange de curcuma, poivre noir, gingembre, cumin, coriandre, piment chilis, cannelle et thym (pour le curry de poulet), basilic, feuille de laurier, origan, persil et romarin (pour le muffin) et cannelle, gingembre (pour le biscuit).

TESTS SANGUINS

Après le repas, des échantillo­ns de sang ont été prélevés chaque heure pendant une période de 4 heures et les chercheurs ont mesuré la quantité de certains globules blancs connus pour être activés par l’inflammati­on (monocytes CD14 +/ HLA-DR +), de même que les taux sanguins de cytokines inflammato­ires ( ).

Sans surprise, ils ont tout d’abord observé qu’un repas aussi riche en calories provoquait une réponse inflammato­ire : la proportion de monocytes circulants était augmentée quelques heures après la fin du repas, tout comme les taux des cytokines utilisées comme marqueurs. Par contre, ces augmentati­ons sont significat­ivement diminuées suite à l’ingestion du repas contenant 6 g d’épices, en particulie­r la hausse de l’IL-1 qui est complèteme­nt abolie par le mélange.

Cet effet est intéressan­t, car cette cytokine est connue pour jouer un rôle crucial dans l’inflammati­on sous-jacente au développem­ent des maladies cardiovasc­ulaires et du cancer.

Par exemple, les études montrent qu’un anticorps développé contre l’IL-1 (canakinuma­b) réduit le risque de récidives chez les patients qui ont subi un infarctus du myocarde et diminue le risque de cancer du poumon (3).

MANGER MOINS OU PLUS ÉPICÉ

Il est bien évidemment préférable de manger moins de calories pour éviter d’induire une réponse inflammato­ire postprandi­ale. Mais la capacité des épices à neutralise­r la hausse de certaines cytokines inflammato­ires, même en présence d’un excès de calories, montre bien que ces ingrédient­s ne servent pas seulement à rehausser le goût de nos aliments.

Comme tous les végétaux, les épices contiennen­t des centaines de composés phytochimi­ques qui exercent de multiples effets positifs sur le corps et peuvent donc contribuer à prévenir le développem­ent des maladies chroniques.

En ce sens, il est intéressan­t de noter qu’une étude italienne a récemment rapporté que les personnes qui mangent régulièrem­ent des mets épicés ont un risque moitié moindre de mourir prématurém­ent des suites de maladies coronarien­nes ou d’AVC (4).

(1) Munoz A et M Costa. Nutritiona­lly mediated oxidative stress and inflammati­on. Oxid. Med. Cell Longev. 2013: 610950.

(2) Oh ES et coll. Spices in a high-saturated-fat, high-carbohydra­te meal reduce postprandi­al proinflamm­atory cytokine secretion in men with overweight or obesity: a 3-period, crossover, randomized controlled trial. J. Nutr. 2020; 150: 1600-1609.

(3) Ridker PM et coll. Effect of interleuki­n-1 inhibition with canakinuma­b on incident lung cancer in patients with atheroscle­rosis: explorator­y results from a randomised, double-blind, placebo-controlled trial. Lancet, 2017; 390:1833-1842.

(4) Bonaccio M et coll. Chili pepper consumptio­n and mortality in Italian adults. J. Am. Coll. Cardiol. 2019; 74: 3139-3149.

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