Le Journal de Montreal - Weekend

« ON A UN GROS DEVOIR DE SOCIÉTÉ À FAIRE »

D’aussi loin qu’elle se souvienne, Sarahmée a toujours été victime de racisme. Et trop souvent, elle s’est tue. Mais aujourd’hui, la chanteuse en a assez. « Je ne laisse plus rien passer. Il faut se tenir debout », déclare-t-elle.

- BRUNO LAPOINTE Le Journal de Montréal bruno.lapointe@quebecorme­dia.com

Sarahmée n’a pas peur des mots. Quiconque a porté une oreille à son dernier album, Irréversib­le, le sait très bien. Et c’est exactement la même chose en entrevue, où la chanteuse s’exprime avec conviction, sans détour.

Surtout quand la conversati­on aborde un sujet chaud tel le racisme.

« Les gens ont tendance à ne pas vouloir faire de vagues. Mais il faut parler. Il faut dénoncer, autant quand on est victime de discrimina­tion que lorsqu’on en est témoin. Là-dessus, on a un gros devoir de société à faire. Le racisme existe, et il est le problème de tout le monde, pas simplement des Noirs, des Autochtone­s, des Asiatiques ou autres. Je sens qu’il y a un changement en ce moment. Il y a des discussion­s importante­s qui se tiennent et les gens sont à l’écoute », avance-t-elle en entretien au Journal.

En effet. Depuis le meurtre de l’Américain George Floyd en mai dernier, les carrés noirs, mots-clics #BlackLives­Matter, #BLM et autres initiative­s virales fusent de toutes parts, provocant un raz-de-marée sur les réseaux sociaux. Dans les dernières semaines, quiconque se sentant interpellé par la cause y est allé de sa propre initiative, désireux de joindre sa voix à ce mouvement planétaire.

APPROCHE POSITIVE

Sarahmée en fait partie. Et c’est par le truchement de sa chanson Ma peau qu’elle lève le poing, comme en fait foi le vidéoclip, lancé il y a quelques jours. Mais l’approche est toutefois différente : la rappeuse tenait à mettre de l’avant un message positif, prônant ici l’acceptatio­n de soi et la valorisati­on de la différence.

Bref, des images contrastan­tes quand on les compare aux clichés choquants du décès de George Floyd, relayés à outrance.

« C’est très traumatisa­nt de voir ces images d’horreur jour après jour. Alors dans un sens, Ma peau était un geste égoïste ; j’avais envie de tourner des images positives et rassembleu­ses, des images qui me feraient du bien à moi. Et là, de voir qu’elles trouvent écho chez plusieurs autres personnes, alors ça me fait encore plus de bien », confie-t-elle.

Ces images feront-elles une différence ? Peutêtre bien. Sarahmée ne peut que l’espérer. Mais elle s’attend à ce que le public collabore, tant en s’éduquant qu’en sachant déceler les microagres­sions qui restent souvent inaperçues, vues à tort comme des gestes anodins.

Un exemple ? L’emploi du mot « mulâtre », terme péjoratif à proscrire et à remplacer par « métis ». Un autre ? Ce droit que certains se donnent de toucher les cheveux crépus des femmes noires, un geste aussi déplacé que surprenant, mais que Sarahmée voit trop souvent.

« Il faut faire attention. C’est le devoir de chacun de s’éduquer. C’est comme ça qu’on va réussir à faire tomber les stéréotype­s et idées préconçues qui sont tellement ancrés qu’on a perdu le réflexe de se questionne­r à savoir s’ils sont acceptable­s », explique-t-elle.

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