Le Journal de Montreal - Weekend
L’INCROYABLE AVENTURE D’AUDUBON
Roman hypnotique, entraînant le lecteur dans une fascinante épopée au coeur de paysages grandioses, Les crépuscules de la Yellowstone offre une rare incursion dans l’univers du naturaliste John James Audubon alors qu’il allait explorer l’Ouest américain, dans les années 1800. Louis Hamelin, avec son incroyable talent, fait revivre ces années de découvertes, où les naturalistes s’alliaient aux coureurs des bois d’origine canadienne-française.
En avril 1843, sur la digue de SaintLouis, au Missouri, le naturaliste John James Audubon s’embarque pour ce qui sera sa dernière expédition. Son objectif : capturer le plus grand nombre de spécimens pour les immortaliser dans un livre sur lequel il travaille. Une expédition haute en couleur, guidée par Étienne Provost, figure légendaire de l’époque.
Cette histoire a passionné Louis Hamelin.
« Au départ, je voulais faire une série de trois livres assez courts sur trois grands naturalistes : Audubon, Henry David Thoreau et Grey Owl, le fameux “faux” indien qui était aussi naturaliste et conférencier mondialement connu sur la nature. Il a séjourné au Québec, à Cabano, sur un petit lac de castors », révèle-t-il en entrevue.
Louis Hamelin a commencé avec Audubon.
« J’ai été attiré par son rapport avec un guide trappeur canadien-français, le fameux Étienne Provost, qui était actif dans les Rocheuses. J’ai décollé dans cette histoire et je me suis retrouvé dans une sorte d’épopée du Wild West. »
Il a été happé par cette histoire… avec raison. « Il y a tellement de choses là-dedans, en plus de mon amour qui est là depuis longtemps pour la nature sauvage, les oiseaux. C’est vraiment la conquête de l’Ouest qu’on voit se dérouler en filigrane. Les convois de chariots de pionniers déferlent à l’ouest du Mississippi ; le massacre des bisons est déjà en cours. »
PERSONNAGE ROMANESQUE
Audubon est un vrai beau personnage romanesque, ajoute-t-il. « C’est une espèce d’homme des bois romantique et en même temps, c’est un civilisé qui levait parfois un peu le nez sur les Indiens. C’est un personnage assez ambivalent, y compris par rapport à la chasse. Ça n’existe plus aujourd’hui, ce genre de rapport, mais à l’époque, c’était à la fois un naturaliste, un protecteur de la nature, et un chasseur enragé. Un beau paradoxe. »
Ce qu’on voit arriver dans l’Ouest, dit-il, c’est le capitalisme sauvage. « Le bison est massacré pour sa peau. À l’époque, les gens achetaient ça comme couverture pour dormir. Mon grand-père avait une couverture en peau de bison, qu’il appelait un buffalo .»
TRACES FRANÇAISES
Son roman met en relief les traces françaises en Amérique. On rencontre Étienne Provost et Antoine Robidoux ; la ville de Saint-Louis était majoritairement francophone à l’époque. « Toute l’industrie de la fourrure, basée à Saint-Louis, essaimait vers les Rocheuses, vers le Nord, vers le Mexique et vers le Pacifique ; sur cet immense territoire, Étienne Provost était considéré comme un des meilleurs, sinon le meilleur coureur des bois de toutes les Rocheuses. Les gens le respectaient énormément. »
Audubon est devenu une icône aux États-Unis : des parcs, des routes, une importante société de conservation portent son nom. « Évidemment, c’est un de leurs mythes nationaux, la conquête de l’Ouest. Alors, ils ont toujours cultivé la mémoire des coureurs des bois célèbres, comme Kit Carson, Daniel Boone, Davy Crockett », note l’auteur.
Il trouve fascinant de voir qu’Étienne Provost, au début du 19e siècle, part avec des voyageurs et s’en va retrouver un de ses oncles à Saint-Louis. « Ça fait partie d’un territoire et d’un imaginaire canadien-français. Les Français ont été importants en Amérique – on n’a pas toujours été une petite minorité sur la défensive. »