Le Journal de Montreal - Weekend
PENDANT LE DÉCONFINEMENT
Psychologue et présidente de l’Ordre des psychologues du Québec
L’hiver a été long, comme tous les autres, mais cette année, l’isolement a été difficile en raison de la pandémie. Car au froid et à la neige qui freinent nos envies d’aller dehors s’est ajouté ce satané virus qui nous a forcés au confinement pendant des mois. Si chaque printemps lance le signal d’une libération, à l’heure du déconfinement, les beaux jours et la liberté tant attendus apparaissaient plus que jamais essentiels.
Le début de cette période difficile a été accompagné de mesures strictes, et de conséquences sérieuses. À la peur d’être infecté, de tomber gravement malade, s’est ajoutée celle d’être dans l’illégalité selon nos comportements, en plus de celle de recevoir des amendes salées. Sans compter certains voisins, qui surveillaient nos faits et gestes, prêts à les dénoncer à la police.
Ce climat en était un d’angoisse, accentué par les rues désertes et les statistiques alarmantes sur le nombre de décès. C’était alors facile de nous convaincre de nous laver les mains, de porter un masque, de pratiquer la distanciation sociale, et de rester à la maison. Le respect des consignes et la grande prudence étaient alors devenus la norme.
LES PÉRILS DES BEAUX JOURS
Les annonces du déconfinement progressif ont été perçues comme une sortie de prison, le retour espéré à un semblant de normalité. On ressent l’urgence de rattraper le temps perdu, de profiter de la présence des gens qu’on aime, de renouer avec le grand air, et de fraterniser dans des lieux familiers.
Mais avec la diminution des mesures restrictives, la baisse du nombre de cas, et surtout des décès, plusieurs ont ressenti avec ces assouplissements le début d’un temps nouveau, celui sans COVID-19.
De plus, devant les directives plus souples de la santé publique, chacun y va de son interprétation : on se retrouve alors avec des attitudes qui vont de la minimisation, voire du déni du danger, à la terreur, la majorité des gens se situant quelque part dans ce vaste continuum. Mais entre les gens qui fréquentent, sans masque, bars et plages bondés, et ceux qui ne sortent que lorsque c’est strictement nécessaire et avec la peur au ventre, il est difficile, quoique souhaitable, de trouver un juste équilibre.
Car, c’est bien malheureux, mais le déconfinement est loin de signifier la disparition du virus. Oui, la courbe est aplatie, grâce à nos efforts collectifs, mais la menace, elle, demeure bien réelle.
LE PRIX DE LA PENSÉE MAGIQUE
Parmi les plaisirs retrouvés, il y a celui de se rassembler en plus grand nombre, et d’aller dans les campings, les parcs, les bars et les plages. Mais l’euphorie des retrouvailles semble parfois s’accompagner d’un relâchement des règles élémentaires de sécurité, en oubliant que cette attitude peut entraîner de graves conséquences. On constate déjà ce phénomène dans certaines parties de la population.
Par exemple, si les bars ont été fermés depuis trop longtemps pour plusieurs, la ruée actuelle a de quoi inquiéter. Dans ces lieux où qui se ressemble s’assemble, mais où l’on côtoie beaucoup de gens que l’on ne connaît pas de très près – et dont on ignore l’état de santé –, la vigilance est moins grande, et les contacts plus nombreux. Après tout, on y va pour avoir du plaisir et socialiser, prendre un verre (ou plusieurs !), ce qui peut nous rendre plus téméraires, et moins soucieux des conséquences possibles.
LE SENS DES RESPONSABILITÉS PERDU DANS LA FOULE
Par ailleurs, dans un grand regroupement comme dans une foule, la pression du nombre et le désir de conformité dictent souvent les comportements. Alors si personne ne porte un masque, comment s’étonner de son manque de popularité ? Ou encore que pour d’autres, l’annonce des règles plus souples soit interprétée comme une absence de risque ?
À l’heure où le déconfinement semble synonyme de relâchement, il ne faudrait pas attendre un retour à la case départ, car les efforts ont été significatifs et non sans impacts sur notre bien-être psychologique. Nous rêvons tous d’un moment de répit, et surtout de nous reposer de l’anxiété que le confinement a suscitée… mais la COVID-19, elle, ne semble pas pour le moment avoir l’intention de prendre de vacances.