Le Journal de Montreal - Weekend
BOWIE SANS MUSIQUE…
De Gabriel Range
Avec Johnny Flynn, Jena Malone, Marc Maron
Difficile d’imaginer un film sur David Bowie sans sa musique, mais c’est pourtant ce que propose le réalisateur Gabriel Range, également cosignataire du scénario de Stardust. En revenant sur l’épisode peu connu d’une tournée américaine pendant laquelle, manque de visa de travail oblige, Bowie (Johnny Flynn) ne pouvait jouer de musique, Gabriel Range tente de mettre toutes les chances de son côté malgré le refus de la succession de l’artiste d’autoriser l’emploi de ses pièces. Malheureusement, en choisissant d’ouvrir le long métrage avec l’auteur-compositeur-interprète plongé dans sa propre version de 2001, Odyssée de l’espace, inspiration de Space Oddity dont les notes ne retentissent pas, on reste déjà sur sa faim.
La suite est tout aussi frustrante, même si la plongée dans le coeur de la psyché de l’artiste inclassable n’est pas totalement dénuée d’intérêt. Un Bowie androgyne arrivant à l’aéroport de Washington D.C. soumis à des questions sur sa sexualité, un Bowie tourmenté par la schizophrénie de son frère et attendant d’être le prochain de la famille à finir à l’asile, ou un Bowie s’excusant du contrôle qu’exerce sa femme Angie Bowie (Jena Malone qu’on ne voit décidément pas assez) sur sa carrière sont quelques-uns des thèmes centraux de cette coproduction canadienne.
TENTATIVE DÉCEVANTE
L’acteur Johnny Flynn ne ressemble pas à Bowie, même avec quelques prothèses, ce qu’on pourrait lui pardonner s’il n’avait pas constamment l’air éteint, défoncé. Bowie, même sous l’influence de diverses drogues, n’avait pas ces yeux hagards et on a le sentiment bien désagréable que l’acteur ne parvient pas à saisir, et donc à rendre, ni l’intelligence ni la créativité de son sujet.
Seules les pièces My Death et Amsterdam, deux reprises de Jacques Brel, peuvent être entendues, la production n’ayant pas obtenu l’autorisation de la succession de l’artiste d’utiliser ses pièces originales. Si ces deux pièces sont magnifiques, on est loin de pouvoir s’imprégner de l’oeuvre et du génie de Bowie. Et comme ce film veut montrer la création du personnage de Ziggy Stardust alors que le musicien vient de sortir The Man Who Sold The World, l’absence de musique rend donc caduque cette tentative d’exploration artistique.