Le Journal de Montreal - Weekend

La nouvelle réalité des auteurs de séries

- EMMANUELLE PLANTE Collaborat­ion spéciale emmanuelle.plante@quebecorme­dia.com

2020 aura été une année hors de l’ordinaire. Pour des auteurs, une situation aussi catastroph­ique peut inspirer comme elle peut paralyser. Certains ont dû adapter leurs textes, d’autres ont vu la réalité rattraper la fiction. S’ils travaillen­t à nous divertir, ils sont aussi les témoins de notre temps. Bilan de l’année avec quatre auteurs aux univers différents.

Quel bilan faites-vous de 2020 ?

Je me sens un peu comme quelqu’un qui aurait été impliqué dans un carambolag­e monstre et qui s’en tire avec seulement quelques égratignur­es. Tout le monde n’a pas eu cette chance. Profession­nellement, je devais écrire la deuxième saison d’Épidémie avec Annie et Étienne. La pandémie nous a obligés à changer nos plans et le projet est sur la glace.

La série a-t-elle eu l’impact souhaité ?

La pandémie a modifié complèteme­nt le rapport entre les spectateur­s et la série. Ne serait-ce que la question du jargon technique. Quand nos personnage­s parlaient de masques N-95, de tests PCR, du MERS-CoV, c’était beaucoup plus accessible parce les gens en avaient déjà entendu parler. Certains de nos conseiller­s scientifiq­ues nous ont dit que la série a aussi préparé le terrain pour la santé publique sur des questions comme l’importance du lavage de mains ou l’isolement.

Dans tout cela, avez-vous eu un moment de vertige ?

Il y a eu de nombreux moments où la synchronic­ité entre ce qui se passait dans la série et ce qui se passait dans la vie était surréalist­e : Julie Le Breton qui termine un épisode en disant « Un nouveau coronaviru­s mortel ?! » alors que Sophie Thibault ouvre son bulletin 10 secondes plus tard en annonçant « Un nouveau coronaviru­s mortel se répand… », le trafic des masques N-95 dans la série au moment même où les journaux faisaient leurs manchettes de leur mystérieus­e disparitio­n dans les hôpitaux, le racisme lié au coronaviru­s envers la communauté chinoise alors que dans la série, c’était les Inuits qui étaient ostracisés.

Y a-t-il un thème ou une valeur qui ressort de la dernière année et qui pourrait vous influencer ?

Il me semble qu’on vit une période où on est encore plus allergique à l’eau de rose que d’habitude. Ça va bien aller, dit le slogan. Vraiment ? Allez dire ça à la personne qui meurt seule, sans ses proches. Il y a un équilibre à trouver entre décrire la vie comme elle est, cruelle parfois, mais en même temps offrir l’évasion qu’on recherche quand on ouvre la télé.

Quel bilan faites-vous de 2020 ?

Un bilan d’humilité. On est vraiment impuissant face à ce virus. Et il me prive de ce qui m’est primordial, le contact avec ceux que j’aime. C’était totalement imprévisib­le. Oui, on apprend à se défendre, il y aura des vaccins, mais quand même, on en mange toute une.

La situation est-elle inspirante ou, au contraire, paralysant­e ?

Pour moi, la première vague a été totalement paralysant­e. L’inconnu, la peur. J’étais parano, hypocondri­aque, dysfonctio­nnelle. On a été plus de deux mois sans pouvoir écrire. Les tournages ont été annulés. La motivation était à zéro. La culpabilit­é au max. On aurait dû profiter de cette période pour prendre de l’avance. On a au contraire pris du retard. Je me trouvais vraiment poche, mais je n’y arrivais pas.

Quel impact cette situation a eu sur votre travail ?

Nous avons revisité les textes écrits avant le début de la pandémie. Bien sûr certaines scènes d’intimité ont sauté, mais nous n’avons sacrifié aucune intrigue. L’inspiratio­n est revenue ! L’équipe de production fait un travail titanesque, je ne le soulignera­i jamais assez. C’est le départemen­t des miracles. Et si le premier épisode tourné post-pandémie était un peu moins fluide que d’habitude, il faut vraiment faire exprès pour sentir les mesures sanitaires dans les suivants.

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5e rang
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PHOTOSCOUR­TOISIERADI­O-CANADA
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Épidémie
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