Le Journal de Montreal - Weekend
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LES 23 VIES DU CHAT
Le moins qu’on puisse dire, c’est que la livraison du 23e opus du Chat fut prématurée. Né de la plume de Philippe Geluck dans les pages du quotidien belge Le Soir en 1983, le philosophe anthropomorphique en tête des palmarès de ventes est venu au secours de son créateur, dont le calendrier s’est déchargé d’un seul trait au printemps dernier, pandémie oblige. L’exposition nomade de 20 bronzes et son catalogue de 160 pages étant temporairement remballés, Geluck n’a pas eu à chercher bien longtemps un plan B. « Du coup, j’ai contacté mon éditeur pour lui proposer de devancer de deux ans la parution du prochain album », raconte le sympathique artiste, entre deux rasades d’eau à même sa tasse offerte par sa fille où on peut y lire Je suis un putain de génie. « Il était hors de question pour moi de confiner nos zygomatiques. Le rire est, plus que jamais, une fonction vitale. »
En à peine trois mois, il boucle son meilleur album en carrière. « Faut savoir que j’ai beaucoup de matériel en banque. Vous n’en avez pas fini avec moi, même longtemps après mon trépas », rigole l’artiste qui s’amuse de tout. Bien que l’humoriste réussisse à dépeindre avec une acuité rare nos nombreux travers et contradictions, il le fait toujours avec bienveillance. Non pas par peur de censure ou de représailles en cette triste époque où un dessin peut tuer, mais pour ouvrir le dialogue. « Des burkas, j’en ai dessiné au fil des années. Un journaliste français en poste à Kaboul m’a raconté avoir montré des gags du Chat avec burkas à des femmes musulmanes. Loin de s’en offusquer, elles ont ri, parce qu’elles ont compris que j’étais avec elles. » Plus que jamais en ces temps sombres, nous avons besoin des lumières du Chat.