Le Journal de Montreal - Weekend

Faire revivre les années 70

- MARIE-FRANCE BORNAIS

Après le succès retentissa­nt de son roman précédent, Bakhita, l’écrivaine française Véronique Olmi s’est plongée dans ses souvenirs de jeune fille à Aix-en-Provence, pour écrire un nouveau roman extrêmemen­t puissant, Les évasions particuliè­res. Évoquant les années 1970 et ses combats, Véronique Olmi raconte la traversée d’une fin de siècle où l’esprit révolution­naire s’empare de ceux et celles qui, jusque là, n’avaient pas voix au chapitre : les jeunes et les femmes.

À travers le personnage d’Hélène, petite fille de 11 ans, c’est toute une époque qui revit, entre deux mondes puisqu’elle passe l’année scolaire à Aix-en-Provence avec sa famille, et ses vacances à Neuilly-sur-Seine avec son oncle et sa tante. Deux univers et le choc des mentalités.

Pour son précédent roman, Bakhita ,Véronique a reçu un prix à Aix-en-Provence. « Dans le discours de remercieme­nt, j’étais émue que ce soit dans ma ville et j’ai parlé de ce que c’était, d’être adolescent­e dans cette ville », commente-t-elle.

« J’ai dit qu’on ne voyait pas la mixité, qu’on ne voyait pas les garçons, et ça me semble très loin et très fou. Après, ça m’a trotté dans la tête. »

Véronique Olmi s’est replongée dans ses années d’adolescenc­e, à Aix-enProvence. « C’était très loin de Paris. Il n’y a pratiqueme­nt pas de téléphone. Il n’y avait pas de téléphone portable. En même temps, c’est une ville qui a vécu les grands événements par rapport à la libération de la femme. Et je me suis dit : tiens, ce serait intéressan­t de décrire comment des gens qui ne sont pas du tout convaincus vont, petit à petit, être influencés par ce qui se passe. »

LES RETENTISSE­MENTS

Véronique Olmi a beaucoup aimé se replonger dans les années 1970 pour écrire cet excellent roman, mené de main de maître.

Elle a choisi de travailler sur les retentisse­ments, sur la lente évolution d’une société, « par écho, par rejet, par des hommes et des femmes symbolique­s. Comment, petit à petit, on ouvre les yeux et on se rend compte que la vie est plus vaste que ce qu’on nous a présenté. »

Véronique Olmi considère que ces années étaient très intéressan­tes. « Je suis née en 1962. Aucun des personnage­s n’a exactement mon âge, et il y a des choses que je décris que je n’ai pas vécues. Je n’étais pas à l’enterremen­t de Sartre. Mais grâce au livre, j’ai pu les vivre. »

LA MIXITÉ

La question de la mixité l’a beaucoup touchée. « On se demandait quand est-ce qu’on allait découvrir l’autre moitié de l’humanité, quand même ! » Elle écrit que des surveillan­ts, à l’époque, écrivaient sur un tableau le nom des filles qui avaient été vues en ville avec des garçons.

« Ça, je ne l’ai pas connu, mais j’ai deux soeurs plus âgées que moi et ce sont elles qui me l’ont raconté. Et ça allait beaucoup plus loin. Je n’ai pas voulu le mettre dans le livre, mais elles m’ont dit qu’une fille s’était suicidée. »

LE VENTRE DES FEMMES

Le ventre des femmes de ce roman écrit sur deux ans, note-t-elle, représente le fil conducteur du roman. « Je n’avais jamais compris à quel point le ventre des femmes appartenai­t à l’État, à l’Église et à l’armée. En France, on a eu le régime de Vichy, avec la pénalisati­on de l’avortement, avec l’interdicti­on pénale de promouvoir la contracept­ion. »

Ça l’a beaucoup marquée. « Les femmes faisaient l’amour, terrorisée­s à l’idée d’avoir un enfant. » Aujourd’hui, à la lumière de ce qu’elle observe dans la société, son constat est clair : il y a encore du chemin à faire. « Il faut légiférer contre les dérives du web. Absolument. »

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LES ÉVASIONS PARTICULIÈ­RES Véronique Olmi. Éditions Albin Michel, environ 512 pages.

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