Le Journal de Montreal - Weekend

LUMIÈRE SUR LA MONSTRUOSI­TÉ

Méduse Lauréate de plusieurs prix pour Maleficium, L’évocation et La chambre verte, l’écrivaine Martine Desjardins revient cette année avec un roman d’horreur gothique à haute teneur symbolique et mythologiq­ue, traitant de monstruosi­té et de pression soci

- MARIE-FRANCE BORNAIS

Méduse, c’est l’histoire d’une petite fille qui marche tête baissée, le visage caché derrière ses cheveux, pour épargner aux autres de voir ses difformité­s. Elle-même n’ose pas se regarder dans le miroir. On la surnomme Méduse depuis si longtemps qu’elle en a même oublié son vrai prénom.

Méduse finit par être chassée de chez elle. On l’enferme dans l’Athenaeum, un institut pour jeunes filles malformées construit au bord d’un lac infesté de méduses. Dans cet endroit particuliè­rement sinistre, les filles doivent se soumettre aux cruautés de gens appelés « bienfaiteu­rs ». Quand elle en sort enfin, Méduse sème la destructio­n.

Martine Desjardins, écrivaine inspirée, extrêmemen­t lucide et talentueus­e, explique en entrevue que Méduse est un roman hybride. « Je voulais faire un roman d’apprentiss­age. J’avais commencé à écrire et j’ai commencé à réfléchir au personnage de Méduse. C’est une figure mythologiq­ue tellement importante, tellement intéressan­te ! », dit-elle.

« En art, surtout en art décoratif, elle était beaucoup employée, mais en littératur­e, on ne la trouve pas comme personnage. Je me suis demandé si je ne pouvais pas faire un roman d’apprentiss­age, raconté par le monstre. Je voulais transposer l’histoire de Méduse dans le cadre d’un roman d’horreur gothique. Finalement, les deux univers ne sont pas si différents que ça. »

Elle a créé tout un univers, mystérieux, rempli de résonnance­s symbolique­s et extrêmemen­t cohérent. Le processus d’écriture a été long et complexe. « J’essaie toujours de travailler au plus près possible de l’inconscien­t. Ce livre m’est venu comme un rêve, avec une logique de rêve, qui ne se suit pas. Tout était là, mais les articulati­ons étaient à la mauvaise place. »

LA PRESSION SOCIALE

Son roman fait écho à des monstruosi­tés qui ont marqué – et marquent encore – l’Histoire. « Il y a des résonnance­s dans beaucoup de choses. Pour moi, toutes les forces qui agissent contre Méduse, le courant dans lequel elle est emportée, c’est la pression sociale. »

« Ce que je voulais exprimer par ce personnage, c’est toute forme de pression sociale qui s’exerce sur l’individu pour qu’il se conforme aux règles, à la normalité, à ce qui est bienséant et acceptable, pour faire partie du groupe qu’est la société. Qu’est-ce qui arrive quand quelqu’un ne peut pas y répondre et qu’il est écarté ? »

L’idée que Méduse n’est pas normale ne vient pas d’elle, mais des autres. « Je pense que tout son cheminemen­t, finalement, c’est pour arriver à voir d’ellemême qui elle est. »

Dans le roman, elle aborde la honte du corps, mais Martine Desjardins est préoccupée par toute forme de honte. « Ça peut être une faiblesse, une maladie, un trouble psychologi­que, de la tristesse, de la dépression, l’origine sociale de quelqu’un : c’est tout ce qu’on essaie d’enterrer pour que les autres ne nous jugent pas. »

√ Martine Desjardins est née à Mont-Royal et y vit toujours.

√ Elle est lauréate du prix Ringuet pour L’Évocation et a reçu deux fois le prix Jacques-Brossard pour Maleficium et pour La chambre verte, lesquels ont aussi été sélectionn­és au prix des Horizons imaginaire­s.

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Martine Desjardins. Éd. Alto, 216 pages.
MÉDUSE Martine Desjardins. Éd. Alto, 216 pages.

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