Le Journal de Montreal - Weekend

UN THRILLER QU’IL FAUT AVOIR À L’OEIL !

Avec Intuitions, l’écrivain néo-zélandais Paul Cleave nous en met vraiment plein la vue en racontant l’histoire de Joshua, un jeune aveugle sur le point de recevoir de nouveaux yeux.

- KARINE VILDER Collaborat­ion spéciale

En principe, le huitième roman de Paul Cleave, qui s’intitule Intuitions, n’aurait pas dû s’adresser à nous.

Il y a quelques années, quand Paul Cleave se trouvait au Royaume-Uni pour assister à un festival du roman policier, son éditeur allemand lui a en effet demandé s’il avait déjà pensé à écrire un livre pour jeunes adultes. Réponse ? Non, pas du tout. Pour être honnête, c’est même quelque chose qui ne l’intéressai­t pas vraiment. Sauf que, presque aussitôt, les idées se sont mises à fuser. « Ça a été un moment complèteme­nt fou, explique Paul Cleave, qu’on a pu joindre chez lui, à Christchur­ch. Je ne sais pas d’où ça m’est venu, mais j’ai commencé à dire que peut-être il y aurait ce garçon aveugle de naissance, que peut-être il se ferait greffer les yeux de son père parce que ce dernier a été abattu par un tueur en série et que oh, peut-être que l’un de ses yeux pourrait finalement provenir du tueur… »

« Si on n’avait pas eu cette discussion, jamais ce roman n’aurait été écrit, conclut Paul Cleave. D’autant plus que le sujet n’est pas nouveau : j’ai déjà vu des films avec le même genre d’histoire ! »

Oui, sans doute. Mais aucun d’eux n’a d’abord été conçu pour un public de jeunes adultes ! « J’ai mis deux ou trois ans à écrire Intuitions et, lorsque je l’ai terminé, mon éditeur a, tout compte fait, estimé qu’il risquait davantage de plaire aux adultes. Alors je l’ai réécrit pour un public plus âgé, en y mettant plus de violence et plus de gros mots ! »

DON D’ORGANES

Pour ce qui est de la violence, on sera très copieuseme­nt servi dès les premières pages. Voyez par vous-même : une scie électrique ensanglant­ée et couverte de morceaux de chair ayant été découverte non loin de la voiture d’une femme portée disparue, l’inspecteur Mitchell Logan et son coéquipier Ben Kirk, tous deux aux homicides de Christchur­ch, parviendro­nt à remonter la trace du tueur. Seulement voilà. Le tueur, un certain Simon Bower, sera plus rapide qu’eux sur la gâchette et

Mitchell ne tardera pas à mourir dans des conditions absolument horrifiant­es. Mais, par chance, ses yeux ne seront pas abîmés et, conforméme­nt à ce qu’il souhaitait, c’est Joshua, son fils adoptif aveugle de naissance, qui en héritera.

« Ce livre est bien plus qu’une histoire de transplant­ation, précise Paul Cleave. À 16 ans, Joshua va voir le monde pour la première fois et il va devoir tout apprendre, comme un petit enfant. Il ne connaît pas les couleurs, il ne sait pas à quoi ressemblen­t les lettres de l’alphabet. Même ses rêves vont changer parce que, jusqu’à présent, ils n’ont été constitués que de textures et de sensations, jamais d’images. Pour moi, le principal défi a donc été d’essayer de comprendre et d’imaginer ce que ça peut faire, de passer du jour au lendemain des ténèbres à la lumière. »

Surtout lorsque, par erreur, l’un des yeux greffés a été prélevé sur un meurtrier sadique. Et que, depuis l’opération, Joshua voit beaucoup, beaucoup de sang dans ses rêves…

NE PAS AVOIR FROID AUX YEUX

Paul Cleave reconnaît ne pas croire en l’existence de la mémoire cellulaire, une théorie selon laquelle nos souvenirs seraient à la fois stockés dans notre cerveau et dans toutes les cellules de notre corps. Mais ce n’est pas ça qui va l’empêcher d’y avoir recours, puisque Joshua recevra en même temps que son oeil tous les souvenirs de Simon Bower. Séquences de découpage de corps comprises !

Pour Joshua, il y aura cependant encore plus dur : d’abord, surmonter la mort de son père. Mais aussi commencer à fréquenter une école « normale » et parvenir à se faire accepter. Car bien sûr, une petite brute ne tardera pas à le surnommer « le monstre » et à faire tout ce qui est en son pouvoir pour lui empoisonne­r la vie, même en dehors des heures de cours. Ce qui ne sera pas grand-chose comparé à ce que le meilleur ami de Simon Bower, un autre sadique de la pire espèce, compte lui réserver…

« Je suis toujours nerveux quand je publie un nouveau livre et pour celui-ci, je l’étais encore plus, confie Paul Cleave. Contrairem­ent à mes neuf précédents romans, Intuitions repose sur une idée complèteme­nt irréaliste et j’avais très peur que les gens n’embarquent pas parce qu’il n’a rien à voir avec ce que j’ai l’habitude d’écrire. Mais depuis qu’il est sorti, il y a eu beaucoup de messages sur les médias sociaux et les gens l’aiment. Je devrais écrire plus souvent des histoires de transplant­ation ! »

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INTUITIONS Paul Cleave Éditions Sonatine 482 pages
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