Le Journal de Montreal - Weekend
SOPHIE THIBAULT
TVA
Quelle image marque à votre avis 2020 ?
Celle des aînés condamnés à voir leurs proches au travers des fenêtres de leur CHSLD, ou celle des morgues à ciel ouvert, à New York et ailleurs dans le monde. Ou encore celle des itinérants seuls dans les rues vides de Montréal ou des frontières fermées à double tour. Mais allons-y positivement : l’arcen-ciel !
Quel reportage a fait une différence ?
L’épouvantable épisode du CHSLD Herron de Dorval, qui nous a éclaté en plein visage. Un électrochoc qui a fait réaliser à tous l’ampleur de la crise dans les milieux de vie devenus de scandaleux milieux de mort.
Quelle valeur la couverture journalistique a-t-elle mise en lumière ?
Solidarité et résilience, surtout pendant la première vague. Ça s’est gâché, avec la deuxième. On sent malheureusement que la lassitude et les mouvements de résistance prennent beaucoup de place depuis les derniers mois. Ce qui m’a frappée et désolée c’est qu’on n’est pas égaux devant la COVID, qui frappe plus fort les plus pauvres, les femmes, les personnes racisées et les populations à la merci des leaders populistes.
Quel mot résume le mieux pour vous 2020 ?
Mélancovid, un nouveau mot dans notre vocabulaire de confinés. Il résume l’état d’esprit de bien du monde !
Qu’observez-vous du lien que vous entretenez avec le public cette année ?
Certaines initiatives (vidéos de réconfort, campagne On s’appelle, etc.) ont certainement soudé ce lien. Mais la force du mouvement de contestation, renforcé par un président américain qui continue de délirer dans sa réalité parallèle, nous atteint comme jamais. Les reporters se font apostropher sur le terrain comme sur les réseaux sociaux. Triste et très préoccupant.
En quoi votre métier a-t-il été différent cette année ?
Il n’a jamais été aussi utile. Dans un contexte de crise pareil, notre rôle est multiple : informer, apaiser, nuancer, questionner. Et dans les derniers mois, déconstruire les infox, un défi à plein temps ! Chapeau bas aux nombreux intervenants de la santé et chercheurs qui nous ont permis d’y voir plus clair.
Au niveau personnel, que retiendrez-vous de 2020 ?
L’année où notre vulnérabilité est apparue au grand jour, où on a réalisé collectivement qu’un virus long de 125 nanomètres pouvait mettre notre monde en échec. J’en retiens la fragilité, le vide, le silence. Les rues fantomatiques, les cieux clairs, l’éloignement physique des gens qu’on aime, la distance qu’il faut maintenant mettre entre nous. En somme, on est bien peu de chose…