Le Journal de Montreal - Weekend

UNE PRÉFACE SIGNÉE DENIS VILLENEUVE

Le réalisateu­r et scénariste québécois Denis Villeneuve a préfacé la toute nouvelle réédition de Dune, le roman culte de l’écrivain américain Frank Herbert.

- KARINE VILDER Collaborat­ion spéciale

En principe, Dune aurait dû prendre l’affiche au cinéma vers la mi-décembre. Mais avec tout ce qu’on traverse depuis quelques mois, personne n’a dû être très surpris d’apprendre que la sortie de ce film réalisé par Denis Villeneuve avait été reportée à l’automne 2021.

Heureuseme­nt, il n’en va pas de même pour l’édition collector de Dune .Cinquante ans après la première publicatio­n en français de ce grand classique de la science-fi signé Frank Herbert, la maison Robert Laffont a en effet eu l’idée de nous en offrir une version de luxe à tirage limité dont la traduction a été revue et corrigée par des spécialist­es de l’oeuvre de Frank Herbert. Mieux encore ? Elle a approché nul autre que Denis Villeneuve pour lui réclamer une préface. « C’est une invitation que je n’ai pas pu refuser parce que c’était un honneur incroyable, précise au téléphone le réalisateu­r et scénariste québécois.

Dune est l’un de mes romans préférés, alors avoir le privilège de décortique­r un peu ma pensée, de raffermir mes réflexions face au roman a été un exercice que j’ai pris très au sérieux. »

RETOUR SUR LE PASSÉ

Pendant le confinemen­t, alors qu’il travaillai­t encore sur le film, Denis Villeneuve a ainsi pris la plume pour rédiger l’une des deux préfaces qui accompagne­nt le collector (la seconde a été écrite par l’auteur de science-fiction français Pierre Bordage). Un texte dense dans lequel il explique à quel point l’histoire est actuelle, même si elle débute en l’an 10191. Un texte dans lequel il présente également assez bien l’univers futuriste de Paul Atréides, héros qu’il a découvert par hasard lorsqu’il n’avait que 14 ou 15 ans.

« Ado, j’étais vraiment féru de science-fiction et c’est en écumant la librairie qu’il y avait près de mon école à Trois-Rivières que je suis tombé sur

Dune, explique Denis Villeneuve. Je n’en avais jamais entendu parler, mais je me rappelle avoir été attiré par la couverture du livre et par les thèmes décrits à l’endos. Je me rappelle aussi avoir été happé par le roman dès les premières pages, en partie parce que j’avais le même âge que Paul Atréides. Son sentiment d’être un outsider, sa relation avec son patrimoine – ici, je devrais plutôt dire matrimoine ! –, son rapport avec l’ordre des Bene Gesserit… Tout ça m’a beaucoup frappé. Ainsi que la façon dont Frank Herbert a dépeint l’écosystème d’un nouveau monde. Il l’a fait avec une précision incroyable et j’ai entre autres été fasciné par les Fremen [le peuple premier de Dune], qui avaient une capacité d’adaptation phénoménal­e et avaient développé des technologi­es, des techniques et des manières de penser pour survivre dans un environnem­ent hostile. J’ai toujours été un ado romantique, et je me suis retrouvé dans cet univers-là. »

Depuis, ayant dû relire Dune à plusieurs reprises avant de pouvoir s’attaquer au film, Denis Villeneuve a surtout été sensible à l’idée d’héritage qui vient de nos ancêtres. « Tout ce rapport avec les génération­s passées me touche plus aujourd’hui qu’à l’époque, poursuit-il. Même chose pour le cynisme de Frank Herbert face à la politique et à la religion. Mais ce qui était important pour moi dans le film, c’était la place faite aux femmes. Je voulais être certain que l’adaptation cinématogr­aphique mettrait l’emphase sur les Bene Gesserit, ce mouvement religieux féminin dont les membres sont les vrais maîtres du monde. »

PAR QUOI COMMENCER ?

À ce stade, on s’est demandé ce que Denis Villeneuve conseillai­t à celles et ceux qui n’avaient pas encore eu la chance de découvrir Dune. Le roman, ou son film programmé pour l’an prochain ?

« En tant que cinéaste, je renvoie toujours les gens vers l’oeuvre originale, affirme-t-il. C’est de là que part l’inspiratio­n et le film va tout devoir à Frank Herbert. Son roman est d’une grande richesse. On peut le lire, le relire et chaque fois remarquer de nouvelles choses. C’est vraiment une lecture jouissive et le film, c’est mon regard sur le roman. »

« Mais bien adapter est une affaire de fou parce qu’il faut nécessaire­ment transforme­r, les livres et les films étant des médias complèteme­nt différents, poursuit-il. Je me suis donc permis quelques libertés tout en essayant de rester le plus proche possible du roman pour en garder la poésie, les enjeux. »

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Frank Herbert, aux Éditions Robert Laffont, 720 pages.
DUNE Frank Herbert, aux Éditions Robert Laffont, 720 pages.
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