Le Journal de Montreal - Weekend

PRIVILÉGIE­R L’ÊTRE PLUTÔT QUE LE PARAÎTRE

- MARIE-FRANCE BORNAIS

Faisant fi des modes, ignorant les diktats voulant qu’on doive faire ceci ou cela, Marcia Pilote a fait de l’ÊTRE un mode de vie depuis 30 ans. Dans son 17e livre en carrière, Apprendre à être, elle fournit des pistes pour apprendre à prioriser une vie intérieure riche de sens plutôt qu’une accumulati­on de « faire ». C’est une clef, assure-t-elle, pour apprendre à vivre autrement et traverser la pandémie sans perdre trop de plumes.

Marcia Pilote, une femme très engagée auprès de sa communauté de fidèles lectrices, considère qu’il est grand temps de changer une certaine vision des choses attribuant de la valeur au verbe « faire ».

« On est privilégié­s. Et même avant que la pandémie arrive, moi, c’était ça mon cheval de bataille, assure-t-elle. Il faut cesser d’être dans cette dynamique de “faire des choses”. Plus on en fait, plus on attribue notre valeur d’être humain à ce que l’on fait plutôt qu’à ce que l’on est. »

Elle trouve cela très pernicieux.

« Ça nous éloigne de nous-mêmes. On pense que le bonheur et tout ce qu’on recherche de la vie se trouvent à l’extérieur. Mais là, on le voit bien : peut-être qu’on a trouvé des bonheurs éphémères à l’extérieur… mais on est coupés de ça. Il faut qu’on trouve quelque chose de permanent à l’intérieur de nous. »

Cela est accessible à toutes et à tous, ajoute-t-elle. « Il faut qu’on sache à quel point on est privilégié­s d’avoir ce luxe-là. Je ne parle pas pour tout le monde parce que je suis très consciente qu’il y a une part de la population qui n’a pas ce luxe. Mais il y a une grosse gang qui l’a. Nos grands-mères, par exemple, n’avaient pas le luxe de prendre une heure ici et là pour relaxer. Nous, on l’a. Et on ne se l’est pas donné parce qu’on a rempli nos agendas. »

FOMO ET JOMO

Depuis le mois de mars, on a été occupés à s’occuper de soi, ajoute-telle. Mais plus les mois avancent, plus ça se corse. « Depuis deux mois, les gens tombent. Toutes nos activités, le déferlemen­t, le tourbillon, on se rend compte que ça ne tient plus la route. Ça nous rentre dedans. Mais c’est une bonne nouvelle : on va être obligés de sortir du “FOMO” – le Fear Of Missing Out (la peur de manquer quelque chose) – une dynamique de laquelle les Nord-Américains sont dépendants. »

« On a tellement peur de manquer des rendez-vous qu’on manque le plus beau rendez-vous qu’on devrait avoir : le rendez-vous avec soimême. »

La tendance est au changement, puisque le FOMO est passé de mode pour devenir le JOMO : le Joy Of Missing Out (la joie de passer à côté de quelque chose). « C’est comme une joie qu’on découvre, du fait qu’on n’est plus obligé de faire quelque chose. »

AU NIVEAU DE L’ÊTRE

Sa vision de la vie l’aide à traverser la pandémie et ses nombreux effets. « Quand on reste au niveau de l’être, de notre essence et de ce qui donne un sens à notre vie, il n’y a pas de problème. »

Elle fait preuve d’empathie et de lucidité – deux qualités qu’on retrouve dans son livre. « Bien sûr, je ne nie pas le fait qu’il y a des gens qui ont été malades et d’autres qui ont perdu des êtres chers. C’est dramatique. Mais le train-train quotidien continue pour bien des gens et je trouve qu’on n’en a pas assez parlé. Quand tu as un toit sur la tête, que tu peux manger… il y a vraiment moyen de se faire des belles vies. »

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