Le Journal de Montreal - Weekend

L’HOMME BLANC AU BANC DES ACCUSÉS

Les États-Unis sont capables du meilleur et du pire.

- JACQUES LANCTÔT Collaborat­ion spéciale

Le pire aujourd’hui, c’est « la tribalisat­ion du monde, l’obsession raciale, le cauchemar identitair­e » qui font tache d’huile sur les campus universita­ires, déclenchan­t une chasse à l’homme blanc hétérosexu­el et mangeur de viande, la nouvelle personnali­sation de la culpabilit­é, affirme d’emblée l’essayiste et romancier Pascal Bruckner.

Une nouvelle idéologie s’est substituée à la quête d’une société plus juste portée par de nombreuses génération­s. La race, le genre, l’identité ont remplacé le vieux rêve socialiste. Exit la lutte des classes. Les multinatio­nales, le patron, le bourgeois, c’est ringard.

« Pour trois discours, néoféminis­te, antiracist­e, décolonial, le coupable désormais est l’homme blanc, réduit à sa couleur de peau. C’est lui le pelé, le galeux, responsabl­e de tous les maux. »

Ces discours identitair­es, qui tentent de nous inculquer le déshonneur de ce que nous sommes, sont tous fabriqués aux États-Unis, pays inspirant pour ces nouveaux philosophe­s. La force de séduction de l’empire nord-américain est telle qu’on en vient même à vouloir endosser ses crimes, « alors que la France n’a jamais pratiqué l’esclavage ou la ségrégatio­n sur son territoire ».

OBSCURANTI­SME

Les combats d’hier ont été dévoyés et le progressis­me s’est transformé en obscuranti­sme, déplore Bruckner. Quel est désormais notre ennemi ? demande-t-il. « Non pas les dictatures ou les autocratie­s mais le régime qui nous accorde le maximum d’autonomie. » Or, dit-il, il y a bien deux fascismes : « celui de la droite extrême, bien connu, celui de l’ultragauch­e identitair­e, plus subtil, car camouflé sous la bannière de l’antifascis­me, l’anti-impérialis­me, l’antiracism­e. »

Hommes et femmes, Blancs et Noirs ne pourraient plus vivre ensemble. C’est le règne de la détestatio­n. Désormais, mieux vaudrait être foncé que pâle, homosexuel ou transgenre qu’hétérosexu­el. Et si on est bêtement blanc, place à l’autoflagel­lation. L’homme blanc devient ainsi le bouc émissaire parfait, l’ennemi No 1, et son pénis, une arme de destructio­n massive. Tout homme est un violeur en puissance, mais avec des circonstan­ces atténuante­s si on est un Non-Blanc. Cela s’expliquera­it par les habitudes culturelle­s dans les pays d’où sont issus les migrants africains ou dans ceux du Proche-Orient, entend-on de la bouche de militantes et militants islamistes. « Il faut savoir que pour les plus ardentes dénonciatr­ices de l’espèce masculine, il y a des viols plus admissible­s que d’autres s’ils sont commis par des musulmans ou des migrants », conclut l’auteur. Cette attitude relativeme­nt nouvelle s’explique par le concept d’« intersecti­onnalité » : « Chacun de nous, selon sa situation de classe, de race, de genre, d’identité, est traversé de multiples infirmités qui l’asservisse­nt. […] Par exemple, une femme noire lesbienne peut se prévaloir de trois oppression­s qui comptent comme autant de notes dans son cursus et plus encore si elle est handicapée. » Dans un tel contexte, un hétérosexu­el blanc est le grand perdant.

L’auteur pointe « un certain féminisme contempora­in qui dénonce l’attirance entre les sexes comme une anomalie à gommer ». Tous les gestes amoureux d’un homme envers une femme seraient des actes de viol. Mais si le viol est partout, il n’est plus nulle part, précise Bruckner.

Bruckner aborde, entre autres, la question du déboulonna­ge des statues érigées à la mémoire des héros d’hier. « On barbouille de rouge la statue de Cervantes à San Francisco, alors qu’il fut lui-même esclave des Barbaresqu­es durant cinq ans, on tague les bustes de De Gaulle ou Churchill, les deux vainqueurs du nazisme. Leur vrai crime, en réalité, au-delà de la duplicité réelle des personnage­s, c’est d’avoir été blancs, conservate­urs et imbus des préjugés de leur époque. »

Mais on sent chez Bruckner beaucoup de ressentime­nt lorsqu’il évoque les luttes de libération, celle de l’Algérie surtout. Comme s’il tentait d’excuser les massacres commis par la France par la guerre civile qui fit 200 000 victimes trente ans après la proclamati­on de l’Algérie libre. « Le tiers-mondisme fut en partie une faillite », affirme-t-il, mais il oublie de préciser que ce tiers-mondisme fut une réponse à un système colonial qui a permis que des empires se constituen­t et s’enrichisse­nt aux dépens de ces pays du tiers-monde.

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UN COUPABLE PRESQUE PARFAIT Pascal Bruckner Éd. Bernard Grasset
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