Le Journal de Montreal - Weekend

L’AMOUR À CONTRETEMP­S

Mara et Hubert s’aiment, mais ne l’assument pas. Et leur histoire, revisitée après une première parution, reste magnifique à lire.

- JOSÉE BOILEAU Collaborat­ion spéciale

Mylène Bouchard vient d’enrichir La garçonnièr­e, l’histoire d’amour impossible qu’elle avait publiée il y a quelques années et qui lui avait valu moult éloges.

La nouvelle édition, parue cet automne, compte une vingtaine de pages de plus. Mais ces ajouts se glissent si bien dans le récit original, construit par blocs et qui court sur toute une vie, qu’ils semblent y avoir toujours appartenu.

Et puis, même plus de dix ans après la première édition, le récit nous prend toujours au coeur.

L’histoire met en scène une jeune femme et un jeune homme qui se rencontren­t par hasard au cégep, à 17 ans, et qui dès lors seront liés à jamais. Mylène Bouchard déploie de très beaux procédés pour le démontrer.

Ainsi, au début du roman, Mara et Hubert, qui vient l’une de l’Abitibi, l’autre du Lac-Saint-Jean, se découvrent « frère et soeur de latitude », tous deux du 48e parallèle Nord. Et l’auteure de faire la liste, qui s’étend sur deux pages, de toutes les villes et villages qui se situent à la même hauteur du globe terrestre. Simple mais évocateur.

Pourtant, il n’y a pas de route qui relie directemen­t Noranda et Péribonka. Ce bout de chemin qui manque symbolise toute la relation inachevée qui se développe au sein du jeune couple.

Ils sont compagnons du quotidien, beaucoup amis, un peu amants et incapables de vivre l’amour qu’ils se portent.

Il faut dire que lui est follement épris et qu’elle trouve que ça devient lourd : c’est la légèreté qu’elle recherche dans ses relations amoureuses. Elle comprendra ce qui les unit seulement lorsqu’ils en arriveront à se faire promesse de rupture.

Ils se reverront des années plus tard, mais leurs retrouvail­les, inattendue­s et pleinement goûtées, seront trop tardives pour perdurer. Une autre occasion manquée.

Parallèlem­ent à ces chassés-croisés, on assiste à la transforma­tion des deux protagonis­tes.

Ils passent de la fin de l’adolescenc­e à l’âge adulte sur fond du Montréal des cafés, des chansons de Richard Desjardins et des tournois d’improvisat­ion.

PLUS DE PISTES

Les retours dans leurs régions natales sont tout aussi profondéme­nt ancrés, tout comme les parties qui se déroulent à Prague et Beyrouth. Ce roman d’amour en est également un d’ambiance.

La forme du récit contribue encore à son charme. Parfois c’est elle qui raconte, parfois c’est lui, parfois la narration leur est extérieure.

Mais tout cela est entrecoupé de citations, de bribes de poésie, d’extraits de films, de lettres, et de travail graphique. Les ajouts apportés en 2020 sont là et l’auteure souhaite ainsi donner plus de pistes pour comprendre Mara et Hubert. L’ensemble forme une exploratio­n tout en délicatess­e du sentiment amoureux. Sauf que l’amour impossible, si souvent exploité en littératur­e, ne se bute pas ici à des obstacles extérieurs mais à de trop grandes attentes. Ce constat n’a en rien perdu sa pertinence aujourd’hui.

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LA GARÇONNIÈR­E Mylène Bouchard La Peuplade 232 pages 2020
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