Le Journal de Montreal - Weekend

L’immigratio­n au féminin

- SARAH-ÉMILIE NAULT Collaborat­ion spéciale

C’est l’histoire d’une fillette déracinée qui deviendra femme dans un pays qui n’est pas le sien que souhaitait raconter l’écrivaine d’origine chilienne Caroline Dawson. Là où je me terre, c’est son histoire d’immigratio­n et sa bataille pour trouver sa place dans un Québec étranger. Et la preuve que la joie et l’amour de la famille peuvent adoucir la grande aventure de la quête identitair­e.

Du Chili, Caroline Dawson ne se souvient pas de grand-chose. La maison familiale que l’on retrouve dans le prologue de son roman, puis quelques bribes de souvenirs. Pas étonnant donc que tout commence dans un avion en direction de Montréal, là où les souvenirs de la fillette de 7 ans qu’elle était se font cette fois impeccable­s de précision.

Cette histoire, la professeur­e en sociologie au Cégep Édouard-Montpetit aurait pu ne jamais l’écrire. Parce que c’est son frère Nicholas qui est d’abord devenu écrivain et parce que celle qui se destinait à des études en littératur­e a vécu un « désamour assez brutal » au contact d’une oubliable enseignant­e de littératur­e au cégep. Enfin, parce que la découverte de la sociologie fut, pour elle, grandiose.

« J’attendais que mon frère écrive notre histoire, explique la boulimique de lecture. C’est lui qui m’a dit : si tu veux raconter notre histoire, c’est toi qui vas devoir te mettre à écrire. Cela a fait son chemin dans ma tête. »

LÉGUER POUR NE PAS OUBLIER

Avec la maternité est revenue une écriture dite littéraire – non plus comme un simple passe-temps – dans sa vie. Manquant pourtant de confiance en ses talents d’écrivaine, elle a d’abord écrit et envoyé anonymemen­t l’histoire de La surprise dans la boîte de céréales (qui se retrouve dans le roman) au concours de nouvelles de Radio-Canada. Se hisser parmi les finalistes lui a donné le coup de pouce dont elle avait besoin pour écrire son histoire.

Cette histoire d’immigratio­n – qui se veut une suite de moments du quotidien, de la vie à l’école et à la maison – est d’abord un héritage.

« Il fallait que je lègue cette histoire à mes enfants et que ce soit clair, vivant et vrai, dit l’écrivaine. Je voulais leur dire : voici comment moi, j’ai vécu mon histoire d’immigratio­n. C’est là que le projet est né beaucoup plus concrèteme­nt, de vouloir raconter cette histoire pour eux, pour qu’ils puissent se tourner vers ce roman quand ils vont vouloir en savoir plus sur leur histoire familiale, celle de mes parents qui sont arrivés au Canada avec trois enfants et trois valises. »

Un roman, pas un récit (« car il y a des trucs traficotés », insiste la sociologue toujours à la recherche de vérité) au titre évocateur renvoyant au déracineme­nt, à ce qui se cache et à ce qu’on ne voit pas. « Où je me terre, c’est aussi là où je suis cachée quand on ne me trouve pas, dans ces souvenirs que je transporte avec moi.

« Même si je lis vraiment beaucoup, mon histoire, je ne l’ai jamais lue nulle part, ajoute-t-elle. Les récits d’immigratio­n que je lisais étaient comme des films. Ici, c’est le après qui forme l’histoire, comment on s’intègre au Québec. Avec des moments magnifique­s, mais aussi avec beaucoup de petites violences, d’effacement et de tension, même s’il n’y a rien de tragique dans le livre. »

Et si le titre de chaque petit chapitre se veut un clin d’oeil à la culture populaire québécoise, c’est que toutes les deux se sont totalement adoptées. « C’est ma culture », lance l’autrice qui n’est retournée que deux fois au Chili, ce pays qui n’est plus le sien.

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CAROLINE DAWSON
LÀ OÙ JE ME TERRE Caroline Dawson Éditions Remue-ménage 208 pages Disponible en librairie CAROLINE DAWSON
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