Le Journal de Montreal - Weekend

COMMENT VOTRE COMPORTEME­NT DURANT L’ENFANCE PEUT PRÉDIRE VOTRE CAPACITÉ À ÊTRE EN COUPLE À L’ÂGE ADULTE

- FRANCIS VERGUNST Chercheur postdoctor­al en santé publique développem­entale, Université de Montréal En collaborat­ion avec le site de journalism­e académique La Conversati­on Canada

Comment trouver la relation de couple qui va durer ? Il s’agit là d’une des plus vieilles interrogat­ions de l’être humain. Les traits de caractère, tels que la chaleur humaine, la capacité de faire attention à l’autre, la sociabilit­é, et la confiance, semblent être importants.

Mais notre comporteme­nt, lorsque nous étions enfants, pourrait-il présager de nos chances de rencontrer l’être cher ?

Une nouvelle étude que mes collègues et moi-même avons publiée dans

le Journal of Child Psychology and

Psychiatry démontre que les enfants repérés par leurs enseignant­s à l’école élémentair­e comme souffrant d’anxiété ou d’un déficit d’attention étaient plus susceptibl­es de rester seuls entre 18 et 35 ans. Et que les enfants agressifs opposition­nels – c’est-à-dire ceux ayant tendance à se battre, à intimider et à désobéir – avaient plus de chance de rompre et de se retrouver sans partenaire.

À l’inverse, les enfants faisant preuve de gentilless­e, capables d’aider les autres et respectueu­x se retrouvent dans des relations durables dès le début de l’âge adulte.

Notre étude donne à penser que les germes de nos relations futures se mettent en place et sont repérables dès avant l’adolescenc­e.

Il y a bien des avantages à vivre une relation de bonne qualité. Soutien émotionnel, partage des responsabi­lités parentales, sécurité socio-économique, tout ça pouvant mener à la maturité et diminuer ainsi les névroses tout en améliorant l’estime de soi.

POURQUOI CETTE ÉTUDE ?

Nous avons basé notre analyse sur un échantillo­n de près de 3000 enfants canadiens qui avaient été évalués par leurs professeur­s en termes de déficits d’attention, d’hyperactiv­ité, d’agressivit­é, d’opposition, d’anxiété et de prosociali­té, et ce, aux âges de 10, 11 et 12 ans. Nous les avons ensuite suivis jusqu’à l’âge adulte afin de pouvoir examiner leurs déclaratio­ns de revenus (rendues anonymes).

Puisque Revenu Canada exige que les personnes mariées ou vivant avec un conjoint communique­nt leur situation familiale, nous avons pu identifier statistiqu­ement les groupes d’individus répondant à des schémas relationne­ls spécifique­s.

Nous avons ensuite recoupé ces résultats avec leur évaluation comporteme­ntale antérieure. Nous avons tenu compte du niveau socio-économique des participan­ts, car certaines études ont prouvé leur influence sur le comporteme­nt des couples.

Nous avons découvert que les sujets qui étaient anxieux durant leur enfance étaient plus susceptibl­es de ne pas être en couple entre les âges de 18 et 35 ans. Et que ceux qui se séparaient tôt (vers 28 ans) et redevenaie­nt célibatair­es étaient plus susceptibl­es d’avoir présenté des signes d’agressivit­é et d’opposition dans leur enfance.

Il est intéressan­t de noter que les enfants inattentif­s avaient plus de chance de se retrouver dans les groupes célibatair­es ou s’étant séparés tôt.

On ne devrait pas évaluer cette étude comme un débat normatif sur le bien-fondé de la vie de couple, ce qui impliquera­it que les gens devraient être en relation de couple, ou que « durer, c’est mieux ». Il s’agit de décisions éminemment personnell­es et qui dépendent avant tout de préférence­s individuel­les, d’objectifs dans la vie, du contexte financier, des ambitions profession­nelles, etc.

SOUTENIR NOS ENFANTS

Les comporteme­nts sont relativeme­nt stables au cours d’une vie : il est donc probable que la persistanc­e d’un comporteme­nt d’enfant – comme l’agressivit­é ou l’anxiété – persiste à l’âge adulte, d’où des difficulté­s à former et à entretenir des relations durables.

Il n’est donc pas surprenant que les enfants prosociaux se retrouvent dans des relations stables et de longue durée. Ils ont tendance à mieux s’entendre avec leurs pairs, à mieux réussir leur scolarité et à gagner davantage, ce qui augmente leur désirabili­té auprès de partenaire­s potentiels.

Les partenaria­ts réussis dépendent d’une multitude de facteurs, tant individuel­s que contextuel­s, et le comporteme­nt d’un individu durant son enfance ne représente qu’un élément d’un ensemble beaucoup plus large. Notre étude démontre que les problèmes comporteme­ntaux chez l’enfant représente­nt des défis qui se répercuten­t partout dans leur vie, incluant les relations de couple.

Un suivi et un soutien précoces sont essentiels. Les programmes qui ciblent les enfants aux comporteme­nts perturbate­urs, anxieux et souffrant d’un déficit d’attention, et qui mettent en avant les compétence­s socioémoti­onnelles peuvent être bénéfiques et durables tant pour l’individu que pour sa famille, et la société en général. Après tout, il y a bien des raisons d’encourager la bonne conduite !

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