Le Journal de Montreal - Weekend

JE N’ÉCRIS PAS POUR FAIRE DES LIVRES, J’ÉCRIS ET CELA DONNE DES LIVRES

- SARAH-ÉMILIE NAULT Collaborat­ion spéciale

À l’instar des jeunes de sa génération, Olivia Tapiero refuse d’être mise dans une case, aussi bien en tant que personne qu’en tant que créatrice. Pas étonnant alors que Rien du tout – sa 4e oeuvre tendant ici vers l’essai, là vers le recueil de poésie et le récit – se fasse aussi librequ’ indéfiniss­able, à son image.

« Ce texte-là, pour moi, ne répond de rien, affirme d’une voix assurée l’autrice âgée de 30 ans. C’est au monde à répondre de lui. » Cette réflexion sur le monde, il était évident dans son esprit qu’elle allait la partager un jour. Et qu’elle le ferait à sa façon.

Pour celle pour qui les livres sont des engagement­s poétiques autant que politiques, tout a commencé par la lecture. « Quand j’étais adolescent­e, j’avais un peu des problèmes d’intégratio­n avec les gens de mon âge, donc je lisais énormément, explique-t-elle. J’étais très attirée par la philo, j’aimais beaucoup Camus, Georges Bataille, Virginia Woolf… J’étais très préoccupée par la mort, le passage du temps, la guerre, l’histoire… »

Elle a aussi commencé à écrire assez jeune, publiant un premier roman en 2009 (Les murs, qui lui a valu le prix Robert-Cliche) alors qu’elle entamait des études supérieure­s en littératur­e, un second pendant ses études (Espaces) puis un troisième (Phototaxie) après les avoir terminées.

« C’était une manière de mieux habiter le monde, pour moi, d’écrire. D’à la fois cultiver une distance et peut-être réduire cette distance avec le monde. »

À l’Université, elle affirme s’être fait « gaver de littératur­e européenne, blanchissi­me et canonique » lui offrant une solide culture générale. C’est par ellemême qu’elle est allée se nourrir – d’un point de vue littéraire et au niveau de sa pensée – à l’extérieur du cursus universita­ire. « J’allais vers d’autres auteurs, penseurs et philosophe­s. »

Aussi musicienne, la pianiste a finalement opté pour une carrière en traduction, retrouvant dans le langage sonore de la littératur­e une forme de musicalité.

L’ÉCRITURE QUI IMPOSE SA FORME

Cela fait des années que le texte de Rien du tout est en gestation. Des notes par fragments, l’écrivaine en a pris pendant les quatre dernières années pour que la compositio­n prenne forme, se modifie puis puisse reprendre forme.

« C’est un livre où je parle de violences genrées, de disparitio­n des écosystème­s, de santé mentale, etc. Pour moi, c’est intéressan­t de voir comment ces choses sont liées entre elles. »

Si ce texte diffère de ce qu’elle a fait auparavant, il se veut pourtant le prolongeme­nt d’une même réflexion autour du mal-être. Et c’est en se défaisant de certains mécanismes (tels le personnage, les événements ou la structure dite plus linéaire) que l’autrice a su insuffler à Rien du tout ce vent de pure liberté.

Dans ce livre écrit avant la pandémie, celle qui dit avoir l’habitude de se faire traiter d’alarmiste aborde des thèmes devenus franchemen­t d’actualité. « Ça parle de violence raciale et de la montée du totalitari­sme ; le totalitari­sme comme extension du patriarcat et de l’État en fait même. Cela traverse le livre. »

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OLIVIA TAPIERO
RIEN DU TOUT Olivia Tapiero Mémoire d’encrier 136 pages OLIVIA TAPIERO

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