Le Journal de Montreal - Weekend

LA VRAIE VIE DE SOLDAT

Une incursion dans l’univers de l’entraîneme­nt militaire, à la fois si proche et si loin des clichés qu’on lui connaît !

- JOSÉE BOILEAU Collaborat­ion spéciale

D’un côté, il y a la camaraderi­e, la discipline, le « toujours prêt » pour toutes les missions – guerres, cataclysme­s ou CHSLD.

De l’autre côté, au rayon des clichés, il y a l’implacable « pas de quartier » : ni pour soi ni pour les autres, même ceux de sa troupe.

Jean-François Vaillancou­rt livre tout ça dans son roman Esprit de corps. Mais il y ajoute ce qui nous échappe souvent quand il est question de l’armée : un mode de vie qui s’appuie sur un langage et des rituels, et qui carbure à la jeunesse.

Vaillancou­rt le sait de première main puisqu’il a grandi près de bases militaires et a été réserviste pendant sept ans. Depuis, il est devenu… doctorant en littératur­e !

Son roman aussi déjoue les attentes : on n’y trouve ni glorificat­ion ni condamnati­on du monde militaire. Juste du réel surligné.

On se retrouve donc à la base de Gagetown, au Nouveau-Brunswick, pour le camp d’entraîneme­nt estival de deux groupes de recrues : d’un côté, les anglos, de l’autre les francophon­es – essentiell­ement des Québécois.

LE REVERS DE LA MÉDAILLE

Les forces en présence ne sont pas égales : quelque 70 pour les premiers, 25 pour les autres. Et ceux-ci ont intérêt (les lecteurs aussi !) à avoir de bonnes notions d’anglais parce qu’on leur parle souvent dans cette langue !

Le camp dure 14 semaines et diverses notions seront mises en pratique : les techniques de survie, la fouille d’un bâtiment, la manipulati­on d’explosifs…

Les personnage­s, nombreux, sont trop pêle-mêle pour qu’on puisse s’y attacher. De même, il y a parmi eux des femmes, des Noirs, mais ces précisions s’oublient dans le flot de noms de famille et de surnoms qui circulent au fil des pages.

Ce procédé est d’abord étourdissa­nt, jusqu’à ce que l’on réalise à quel point il fait corps avec le propos : chacun est là pour devenir un soldat indissocia­ble du reste de la troupe, donc l’identité personnell­e doit s’effacer au profit du « nous ».

Et du groupe on retiendra la jeunesse. Celle qui multiplie les gamineries, les amusantes comme celles de mauvais goût, et fait repousser les limites jusqu’à… l’absurde.

Car il y a de quoi s’interroger devant les push-ups en série, le Ô Canada chanté sur tous les tons, ou l’intransige­ance aveugle de certains officiers. À mi-parcours du roman, la question s’impose : mais comment arrive-t-on à accepter tout ça ?

C’est ici que Vaillancou­rt se faufile pour raconter la séduction des kiosques de l’armée, la prise en charge des études, les promesses d’avenir, les camps cool de fin de semaine…

Quand l’envers des beaux côtés se fait voir, c’est que la recrue est maintenant à Gagetown, enfoncée dans la boue parce qu’il n’arrête pas de pleuvoir.

Rendu là, autant rester, pour de bon ou jusqu’à la fin de l’été. Et assurément jusqu’à la fin de ce premier roman vraiment particulie­r !

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312 pages 2020
ESPRIT DE CORPS Jean-François Vaillancou­rt Le Quartanier 312 pages 2020
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